Les chômeurs se rebiffent contre l’OCE

Genève • Des personnes au chômage se sont réunies en assemblée générale pour organiser la résistance aux nouvelles mesures de l’Office cantonal de l’emploi (OCE) et face à un système qui les culpabilise de leur situation de chômage. Une pétition a été lancée.

L’Office cantonal de l’emploi exige désormais 10 recherches chaque mois pour toutes les personnes au chômage. Pourtant, un certain brouillard entoure cette nouvelle mesure qui devait être, selon ce qui a pu être rapporté, soit communiquée par oral pendant les entretiens mensuels, soit transmise par écrit et contresignée par le demandeur, ou qui n’a pas été communiquée du tout. Mais c’est surtout la généralisation de ce nombre fixé arbitrairement pour tous les demandeurs d’emploi, sans tenir compte des situations particulières dans plusieurs secteurs professionnels, où le nombre d’employeurs potentiels est rapidement circonscrit, qui a poussé associations et syndicats à réagir.

Ils reprochent à l’OCE de vouloir s’aligner sur la pratique des autres cantons, alors que la situation du marché du travail est un peu plus difficile à Genève qu’ailleurs et que l’ordonnance d’application de l’assurance-chômage laisse toute latitude aux cantons pour définir le nombre de recherches exigées sans définir de plancher. Un rassemblement s’est ainsi tenu devant l’Office cantonal le 24 mai dernier. Pour donner suite à cette action, une Assemblée générale des personnes au chômage convoquée par la CGAS a eu lieu mardi 14 juin.

Alimenter une machine qui tourne à vide
Au-delà des nouvelles exigences en termes de nombre de recherches, ce sont surtout des doléances d’une nature plus générale qui se sont fait entendre pendant la réunion, renvoyant à un problème plus global de la situation des personnes se retrouvant sans emploi. Entre autres, un chauffeur qui s’est retrouvé plusieurs fois licencié dès que des patrons peu scrupuleux avaient fini de toucher l’allocation pour le retour à l’emploi (ARE, l’État participe au salaire pendant les premiers mois après l’embauche), ou cette autre personne en fin de droit aux indemnités à six mois de la retraite. Plusieurs intervenants ont dénoncé la surcharge de travail des conseillers en placement, contraints chacun de traiter près de 150 dossiers en moyenne, un chiffre qui peut monter jusqu’à 200 dossiers pour palier aux absences provoquées par cette même surcharge.

Devant ce tableau, l’exigence de 10 recherches d’emploi par mois ne ferait ainsi que tenter de cacher la réalité, comme le dénonce Jocelyne Haller, députée au Grand Conseil et membre de l’observatoire de l’aide sociale et de l’insertion. «Sans appui aux chômeurs, on ne fait qu’alimenter une machine qui tourne à vide, une spirale des demandes qui ne sert qu’à faire du nombre, alors que, par exemple, les services de l’État sont déjà engorgés de demandes d’emploi auxquelles ils ne peuvent donner suite». Une mauvaise philosophie serait ainsi à l’œuvre, non pas de «lutte contre le chômage», mais de «traitement des chômeurs». Pour Alexandre Baljozovic, de l’Association des Chômeurs (ADC), «on est en train de développer un système de harcèlement, de chicanerie, qui pousse les gens à sortir de leur propre chef de l’assurance chômage ou à garder le plus longtemps possible des emplois précaires ou peu attractifs.»

Et tout ceci dans quel but? D’après Thomas Graf, secrétaire syndical au SIT et qui s’occupe de la caisse de chômage du syndicat, «ce système cherche à rendre le chômeur responsable de son chômage, le faire culpabiliser, alors que la raison principale pour laquelle il se retrouve dans cette situation, c’est qu’il a été licencié. C’est cette tendance qu’il faut inverser et c’est pourquoi la mobilisation des personnes au chômage est nécessaire.»

Plus de moyens en faveur de l’emploi
Face aux prochaines mesures annoncées, telles la suppression des cours de français du catalogue de l’Office, ainsi que la multiplication de stages de recherches d’emploi considérés comme peu productifs, la réaction s’organise. Une pétition pour retirer la nouvelle mesure, qui sera remise au conseiller d’Etat Mauro Poggia, est ainsi lancée, des piquets de récolte se tiendront à la fin du mois de juin devant l’OCE. Plus globalement, associations et syndicats demandent plus de moyens pour les mesures en faveur de l’emploi, à commencer par l’engagement de conseillers en placement supplémentaires.