RIEra bien qui RIEra le dernier

Genève • Le Conseil d’Etat présente sa mise en œuvre de la réforme de l’imposition des entreprises qui va faire beaucoup de mécontents.

Après la votation et le plébiscite vaudois de mars dernier qui a vu l’acceptation d’un taux d’imposition unique des entreprises à 13,8%, c’est le pistolet contre la tempe que le gouvernement genevois préparait sa propre mise en œuvre de la réforme. Cette dernière, concoctée par les Chambres fédérales afin de répondre aux exigences de l’OCDE en matière de lutte contre le favoritisme fiscal, force la main aux Cantons contraints de renoncer à d’importantes rentrées fiscales, puisqu’elle vise à harmoniser la fiscalisation des entreprises suisses et des entreprises étrangères dites à statut spécial. A Genève, où ces taux se situent respectivement à 24 et 11,6%, on a évidemment choisi, comme partout ailleurs d’ailleurs, de rééquilibrer par le bas, puisque personne de sensé, logique de dumping oblige, ne pourrait bien entendu songer à partir dans l’autre sens et imposer les holdings et les multinationales aussi fort que les entreprises locales.

Un front large et uni?

Dans le détail, la solution genevoise proposée par le Conseil d’Etat semble vouloir constituer un front large en faveur de la résolution du «dossier fiscal le plus importante des cinquante dernières années et probablement des cinquante prochaines», dixit le ministre des Finances PDC Serge dal Busco. Elle ne fera en l’état à coup sûr que des mécontents. Face à des pertes estimées à près de 570 millions par an pour l’Etat et les communes, les compensations proposées (hausse temporaire de 0,3% de l’impôt sur les bénéfices, de 0,22% des charges salariales, construction d’un Centre de formation par le privé ou encore gel du frein aux déficits au Grand Conseil) sont déjà jugées insuffisantes par le PS, alors que le patronat et le PLR sont vent debout contre des mesures compensatoires qui vont impacter principalement les PME. De leur côté, les syndicats dénoncent la création de nouvelles niches fiscales pour les grandes entreprises, puisque la mise en œuvre de la réforme comprend des «à côtés» comme la patent box, régime fiscal spécial pour la propriété intellectuelle, et mettent en garde contre une volonté politique de reporter le coût des prestations publiques sur les citoyens. De son côté, SolidaritéS avait déjà quitté la Table ronde du Conseil d’Etat en juin.

Un alibi pour la droite

En réalité, l’épouvantail RIE 3 s’est déjà largement emparé des esprits, surtout à droite, depuis que le projet a été mis en branle à Berne en 2008. En l’état, il sert d’alibi aux majorités bourgeoises pour couper dans les dépenses et les prestations à chaque nouveau budget. Au niveau genevois, on a vu les effets de cette politique l’hiver dernier avec une fronde sociale mémorable, qui devrait aller en s’amplifiant à mesure que les pertes budgétaires seront constatées, le gouvernement cantonal se voyant obligé de s’aligner sur le mieux-disant fiscal. La véritable bataille se déroule ainsi au niveau fédéral, et elle paraît déjà perdue si le référendum national prend le même chemin que la votation vaudoise. On pourrait assister à l’emballement d’une machine débridée, à coups de RIE 4,5 ou 6 , dont la destination finale, bordée de casse sociale et recherche de boucs émissaires, se situe quelque part dans les années trente.