La Suisse lavera-t-elle plus vert?

25 septembre • L’initiative qui demande de moins et mieux consommer les ressources fait des adeptes jusque dans les milieux économiques qui sont censés la combattre. Eclairage et mise en perspective.

L’initiative «pour une économie verte», même si elle semble marquer le pas dans les sondages, garde de bonnes chances de passer la rampe le 25 septembre. Son but est de permettre une pérennisation des ressources naturelles par un cadre législatif ouvert, dans lequel les Chambres fédérales fixeraient des objectifs à atteindre par différentes mesures incitatives budgétaires (encouragement pour la recherche et l’innovation) ou fiscales (taxes sur la consommation), ainsi que des prescriptions relatives aux processus de production ou aux marchés publics. Ceci dans le but, au final, de réduire, à l’horizon 2050, la consommation de ces ressources à un «équivalent planète» relativement à la population du pays, au lieu de trois équivalents actuellement. En résumé, les Verts proposent de «transformer notre économie du tout-jetable en économie circulaire qui mise sur des produits durables et la revalorisation des déchets comme matières premières.»

 Une querelle entre Anciens et Modernes

Alors que le Conseil fédéral, tout en souscrivant à des objectifs louables, s’est opposé à l’initiative pour cause d’un rythme imposé jugé trop contraignant, les milieux économiques – hormis le secteur des énergies renouvelables – et les partis bourgeois ont, eux, sorti l’artillerie lourde et apparemment réengagé la même équipe qui s’était occupée des affiches anticommunistes des années vingt et trente, tant les traits de la campagne semblent grossiers et ses ficelles éculées:  on nous promet rien de moins qu’une apocalypse totalitaire et frugale, où les citoyens seront moins libres, condamnés à ne prendre plus que des douches froides, à manger végétarien et à ne plus jamais partir en vacances. Au delà de ces histoires de fantômes chinois, on sent bien les réticences du comité du Non à subir le cas échéant plus de contrôle étatique, plus de réglementations et plus de taxes. On a cependant entendu des voix discordantes issues des milieux économiques, essentiellement des entreprises actives dans les énergies renouvelables et regroupées sous l’étiquette swisscleantech, mais aussi quelques francs-tireurs comme IKEA ou le vice-président de Roche.

Si on tente de comprendre les raisons de cette fracture naissante au sein d’un milieu plus que réticent à déroger ne serait-ce que d’un pouce aux règles du sacro-saint marché, on ne peut s’empêcher de penser à une querelle des Anciens contre les Modernes, où une minorité seulement saisirait les enjeux et les perspectives d’un secteur nouveau dont le potentiel innovationnel semble quasi infini, puisqu’il pourrait profiter des recherches les plus pointues en robotique, en ingénierie et en biologie. Comme on le dit chez swisscleantech, «les solutions techniques pour une économie durable existent déjà à l’heure actuelle. On ne peut même pas imaginer les possibilités qu’il y aura dans 34 ans». Sur un plan plus terre à terre, on assiste également à une bagarre économique pour profiter de la manne des investissements publics directs et indirects, ainsi que des préférences accordées à l’économie verte que tous les autres acteurs, les «anciens», voient évidemment d’un mauvais œil.

Un Bretton Woods vert

Dans une économie mondiale essoufflée et malade des crises qui se succèdent et s’installent, qui recherche de nouveaux leviers économiques, une révolution technologique basée sur l’économie circulaire devrait bénéficier d’ un fort pouvoir attractif. Les inégalités, elles, devraient cependant subsister, avec un fossé entre le Nord et le Sud qui se creuserait du fait du retard technologique et des besoins en investissements, de même que les économies des pays du capitalisme périphérique ne sont pas prêtes pour un virage à 180 degrés. Dans la foulée d’une possible expérience suisse, un Bretton Woods «vert» ne serait sans doute, à ce titre, pas une mauvaise idée.