Hommage à Etienne Broillet, humaniste aux fortes convictions

Comme toujours, c’est au moment de la séparation définitive d’un proche que nous prenons un peu de temps pour mieux le comprendre. C’est avec honneur que je réponds à la demande de la famille en retraçant quelques éléments du parcours politique d’Etienne Broillet, mon camarade. Mon premier souvenir d’Etienne date de mon enfance. A l’époque,...

Etienne Broillet (ici en compagnie de sa femme Daisy) fut membre de l’exécutif de La Chaux-de-Fonds.

Comme toujours, c’est au moment de la séparation définitive d’un proche que nous prenons un peu de temps pour mieux le comprendre. C’est avec honneur que je réponds à la demande de la famille en retraçant quelques éléments du parcours politique d’Etienne Broillet, mon camarade. Mon premier souvenir d’Etienne date de mon enfance. A l’époque, dans les années 1950, il distribuait auprès des abonnés la revue «Union soviétique». Mes parents la recevaient et c’est Etienne, jeune adolescent, qui nous l’apportait chaque mois. Plusieurs années plus tard, je l’ai connu comme militant au sein de la section du POP de La Chaux-de-Fonds. Plus tard encore, nous avons travaillé ensemble au sein du parlement cantonal, de 1973 à 1977 pour moi. Lui, apportait dans cette instance ses propositions, contestations et avis depuis1965. Elu au Conseil communal (exécutif) de la Métropole Horlogère en 1969, il y a assumé ses responsabilités jusqu’en 1977. Cette année-là, il m’avait invité pour me demander si j’accepterais de lui succéder. Une surprise pour moi, un soulagement pour lui. Ayant repris le même dicastère, j’ai souvent rappelé qu’il fut le premier, en matière d’urbanisme, à avoir élaboré le plan de quartier de la ville ancienne. J’ai plaisir à vous lire son contentement tel que le rapportait l’Impartial lors de sa dernière séance du Conseil général le 28 juin 1977. Le journaliste écrivait: «M. Broillet, satisfait de l’accueil réservé à ce projet qui lui a particulièrement tenu à cœur, a souligné l’importance de cette décision manifestée par les autorités locales de préserver la valeur historique du rare témoin d’architecture urbaine du 19ème siècle que constitue la ‘’vieille Chaux-de-Fonds’’. Une valeur historique qui faisait naguère encore fleurir des sourires narquois, mais dont on prend maintenant rapidement conscience». Ce plan constitue les prémices de la reconnaissance de La Chaux-de-Fonds au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce n’est pas rien!

«Le capital le plus précieux, c’est l’homme»

C’est à cette même séance que les conseillers généraux ont pris congé d’Etienne. Quelques extraits du procès-verbal de cette soirée permettent de retracer le parcours et l’engagement de notre camarade. Maurice Payot, président du Conseil communal, soulignait ainsi: «Tu as été un chic collègue, agréable, sur lequel nous avons pu compter; merci!» André Greub, camarade de parti rappelait quant à lui: «Que laisses-tu à la ville? Quelques jolies places: Les Marronniers, Le Carillon, des jeux pour les enfants, le Bois du Petit-Château, la Place-du-Bois, des collèges, un bassin de natation couvert, etc.» Alfred Olympi poursuivait: «Nous tenons à remercier le Conseiller communal Broillet de son attachement à notre ville. Il en a porté le souci et recherché le bien». Et Etienne de lui répondre: «Mon cher Alfred, je te remercie aussi, surtout d’avoir relevé l’attachement que je porte à La Chaux-de-Fonds, ville à laquelle je dois énormément parce que, si les hasards de la guerre et de l’émigration ne m‘avaient pas conduit ici, je ne serais sans doute pas devenu ce que je suis». Plus loin, il souligne les années passées à la tête des Travaux publics qui «furent une source d’enrichissement moral et intellectuel considérable, une possibilité unique de m’épanouir. Je me suis toujours souvenu en remplissant mes fonctions, que mon statut dans la société était celui du prolétaire, je ne possède rien qu’un peu d’intelligence et de culture, acquise bien péniblement. Je connais mes limites, croyez-le, mais par là, je connais aussi l’étendue de mon bien, mon principal souci a toujours été de défendre les intérêts de ceux qui partageaient mon état. C’est pourquoi je fus toujours, et continuerai à l’être, le contestataire d’une société reposant sur le capital… le seul bien qui compte, le capital le plus précieux, c’est l’homme, qu’il faut s’efforcer de mettre au premier plan et non pas le compte en banque. C’est pourquoi j’espère bien continuer dans la voie que je me suis tracée et rester fidèle à moi-même». Son engagement politique est resté gravé dans sa personnalité et sa sensibilité politique. Par exemple, il était un habitué des réunions des réfugiés colombiens, avec qui il avait d’excellents contacts. Il avait aussi pour habitude de transmettre à ses proches des textes qui évoquaient ses positions profondes. Dans cet extrait datant de 2013, il soutient un avis qui se trouve être d’une grande actualité. «J’ai reçu d’un ami qui habite Nyon, un texte qui t’intéressera certainement, m’écrivait-il. Je cite ce passage: «Le Rapport 134 de la Municipalité à «majorité de Gauche» m’est tombé comme une tuile sur la tête, parce qu’il veut faire de Nyon une cité policière, anti-étrangers, anti-jeunes, anti-gens du voyage, anti-mendiants, anti-rassemblements de personnes, même dans la sphère privée, anti-touristes désargentés (on ne pourra pas coucher dans sa voiture)».

La perfection de soi, le bonheur d’autrui

L’humanisme d’Etienne Broillet était parfois caché derrière des interventions tranchées, apparemment sans nuances, c’était sans compter avec sa profonde réflexion philosophique. Pour conclure autrement que par ce sinistre constat, je vous propose une citation d’Emanuel Kant qui écrivait en 1795 dans La doctrine de la vertu: «Il y a deux devoirs fondamentaux:la perfection de soi-même et le bonheur d’autrui». Ainsi, la lutte d’Etienne Broillet pour un monde plus humain doit se poursuivre inlassablement. Car il faudra encore beaucoup de temps pour que l’être humain devienne plus humain. Au nom du POP et en mon nom personnel, je présente à sa famille et à ses amis notre grande sympathie et notre amitié