La démocratie participative à l’agenda

Vaud • Qu’est-ce que la démocratie participative? Constitue-t-elle une réponse à la défiance grandissante envers le monde politique? Comment la concrétiser? Samedi dernier, une conférence sur le thème s’est tenue à Lausanne. Quatre municipaux s’intéressent de près à la question.

Dans un contexte de méfiance grandissante d’une partie de la population vis-à-vis du «monde politique», la démocratie participative «pose la question de l’inclusion des citoyens au débat public et de leur capacité à peser sur les choix collectifs», constate Andrea Eggli, membre de «Montelly vit», une association de quartier lausannoise créé suite à la première expérience de contrat de quartier dans la capitale vaudoise. Samedi dernier, à l’initiative du municipal lausannois David Payot, une journée de réflexion sur le thème de la démocratie participative s’est tenue à Lausanne.

Dans l’assistance étaient présents quatre municipaux de la région récemment constitués en association, dont l’un des buts est de favoriser la démocratie participative: David Payot, à Lausanne, Karine Clerc et Didier Divorne pour Renens et Philippe Somsky, du Mont-sur-Lausanne. Pour rappel, David Payot s’était également rendu à Madrid il y a quelque temps pour s’inspirer des démarches participatives qui y ont été mises en place.

Toucher ceux qui ne s’identifient pas aux partis
Si la participation, en particulier en Suisse, se joue à différents niveaux (voir encadré), la question d’un développement de celle-ci au niveau local, notamment via des contrats de quartier, ou des sites internet permettant à la population de proposer des projets (comme à Madrid) suscite un certain engouement. Mais permet-elle de véritables résultats? Quelles difficultés?

«Si les citoyens font preuve d’une certaine indifférence pour la politique, la volonté d’améliorer leur vie et d’en devenir acteurs reste présente. Or, les initiatives participatives incitent les habitants à s’impliquer activement. Elles traduisent aussi un besoin de se faire davantage entendre et de prendre son ‘’destin’’ en main», a souligné Andrea Eggli, rappelant que la démocratie participative permet l’intégration dans la discussion des habitants qui n’ont pas le droit de vote et joue un rôle en termes de cohésion sociale.

«Mais comment toucher les personnes peu intéressées par la politique, lorsque la démarche est initiée par l’exécutif?», a interrogé Didier Divorne, municipal à Renens. «Une démarche participative ne risque-t-elle pas de réunir des personnes déjà engagées politiquement?» a renchéri Alain Hubler, conseiller communal à Lausanne. «Si les participants à ‘’Montelly vit’’ sont plutôt des personnes des classes moyennes, rarement de milieux très défavorisés, il ne s’agit pas forcément de personnes déjà impliquées politiquement», a nuancé Andrea Eggli. Même constat chez David Payot, qui suit la mise en place d’un contrat de quartier dans le quartier lausannois de Prélaz-Valency, ou de Philippe Somsky, au Mont-sur Lausanne: «Cela permet de toucher les personnes qui ne veulent pas s’identifier aux partis politiques». «Il s’agit également de lieux d’écoute de l’expertise locale qu’ont certaines associations», estime David Payot.

Antoine Chollet, enseignant et chercheur à l’Université de Lausanne, a souligné pour sa part que la mise à disposition par les Municipalités de salles de conférences ou la réhabilitation des maisons du peuple, trop souvent laissées à l’abandon, permettrait d’encourager un foisonnement associatif, qui peut représenter une porte d’entrée vers un intérêt plus marqué pour la chose publique au sens large.

Des budgets participatifs sur le modèle de Madrid

Pour Andrea Eggli, la démocratie participative comporte cependant des limites: «Au final, les projets imaginés par les citoyens ne deviennent réalité que si la Municipalité les approuve et si ce n’est pas trop cher!» Pour que la démarche soit positive, voire puisse contribuer à remédier, à petite échelle, à la crise de défiance qui touche la sphère politique, «la consultation des citoyens doit s’accompagner de la concrétisation véritable des projets», estime ainsi la militante, et pas se limiter à une consultation de la population, sans autres suites, comme cela est trop souvent le cas. Pour aller dans ce sens, elle suggère la création de budgets participatifs sur le modèle de Porto Alegre ou de la ville de Madrid, qui a alloué une enveloppe de 60 millions d’euros à des projets proposés et votés par la population (en réalité, une part limitée de celle-ci) via un site internet créé dans ce but.

«A Lausanne, un postulat qui défend les budgets participatifs a été lancé et il existe un certain nombre de petits budgets pour des projets jeunes», a expliqué David Payot. A Renens, la question du budget participatif pourrait être étudiée. Karine Clerc a toutefois rappelé que les démarches participatives peuvent se heurter à d’autres difficultés, comme le fait que certaines questions dépassent les compétences des autorités communales. En outre, les idées amenées pourraient diverger avec une volonté politique de transformation sociale, a-t-elle soulevé. Quid, par exemple, des propositions de constructions de nouveaux parkings?

L’association des municipaux présents doit se réunir prochainement pour discuter des suites à donner à la question. Un site internet pourrait voir le jour.

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«La participation doit être renforcée dans tous les domaines»
«La démocratie participative ne doit pas représenter une simple consultation de la population, mais impliquer une réelle participation au pouvoir. Il ne s’agit pas de légitimer des décisions qui auraient déjà été prises», estime Antoine Chollet, enseignant et chercheur en pensée politique à l’Université de Lausanne. De ce point de vue, les procédures de consultation mises en place dans le cadre du processus législatif en Suisse fonctionnent déjà comme un outil de participation, notamment grâce à la menace d’un possible référendum. «Sans cette menace, elles ne représenteraient qu’une simple consultation sans effet», remarque le chercheur. Selon lui, la participation ne doit cependant pas se limiter aux consultations et référendums, mais aussi passer par l’espace public (conférences, journaux, associations, participation à un parti, etc.) et même s’étendre à l’espace privé (famille) et au travail, haut lieu d’absence de démocratie. «Il y a une discordance en Suisse entre un pouvoir qui fonctionne de façon plus démocratique que dans d’autres pays et le lieu de travail, où les droits des salariés sont en retard sur ceux d’autres pays. La participation passe notamment par les syndicats, mais le taux de syndicalisation en Suisse est extrêmement bas», constate le chercheur, qui souligne également que les expériences d’autogestion, passées ou actuelles, peuvent nourrir la réflexion sur la démocratie au travail. Finalement, la question du temps libre – pour pouvoir s’impliquer en tant que citoyen – , ainsi que celle de l’éducation doivent être mises au cœur d’un débat sur la démocratie participative, estime Antoine Chollet.