«La Suisse doit arrêter ces négociations»

Suisse • Une manifestation internationale est agendée à Genève ce 4 décembre pour dénoncer l’accord sur le commerce des services, TiSA.

Les manifestations en Allemagne contre les accords de libre-échange internationaux ont mobilisé des milliers de personnes dans près de 160 lieux d’action. (Photo: Dirk Schumacher)

TiSA? Sous cet acronyme se cache l’accord sur le commerce des services (Trade in services agreement en anglais), un accord de libre-échange négocié entre 50 pays (dont la Suisse, les Etats de l’UE et les USA), en totale opacité, depuis début 2012. L’objectif de l’accord est de libéraliser l’ensemble des services publics comme la santé, l’enseignement, les transports ou l’énergie mis en concurrence avec les privés. «TiSA prévoit, comme les autres traités, un organisme de règlement des différends Etat contre Etat, compatible avec celui de l’OMC, c’est-à-dire basé sur un arbitrage privé, avec à la clef des millions d’indemnisations pour les multinationales, si les profits se trouvent être limités par des lois de l’Etat «fautif˝», explique Attac-Suisse.

Même les acquis syndicaux seraient attaqués. Face à ces menaces de déréglementation néolibérale et de mise à l’encan des services publics, l’opposition croît comme on l’a vu avec la fronde du parlement wallon à l’accord économique et commercial global CETA entre UE et Canada. En Allemagne, plus de 300’000 personnes ont défilé en septembre contre le Traité Transatlantique TAFTA. Aux USA, Donald Trump annonce vouloir retirer son pays du Traité transpacifique (TTP). En Suisse, une manifestation est prévue à Genève contre TiSA le dimanche 4 novembre. Trois questions à Chloé Frammery, enseignante et membre du comité Stop TiSA avant l’événement.

Où en est-on dans ces négociations sur TiSA et qu’attendez-vous de la mobilisation?
Chloé Frammery La ratification de l’accord était prévue pour la fin de l’année, mais nous avons appris il y a 10 jours qu’elle était ajournée et que des discussions reprendraient en janvier. La visibilité de la mobilisation contre le CETA et l’élection de Trump sont sans aucun doute à l’origine de cet ajournement. Avec notre manifestation internationale du 4 décembre, nous voulons alerter l’opinion publique sur les dangers de cette libéralisation des services. Plusieurs communes de Suisse sont d’ailleurs conscientes de ces menaces. Les villes de Genève, Carouge, Meyrin, Plan-les-Ouates, Puplinge, Lausanne, Vevey, Renens, Sainte-Croix, Biasca, Le Locle, Berne, Zurich et Bellinzone se sont déclarées «zones hors TiSA», le Parlement du canton de Genève également. Il faut que la Suisse arrête immédiatement ces négociations.

Avec son annonce de vouloir retirer les USA du TTP, Donald Trump devient-il un allié de votre cause?

Pour l’heure, c’est tout au plus un allié involontaire et il est aléatoire de se baser sur les déclarations de Trump. Des promesses de campagne qui s’apparentent à celles de Hollande déclarant: «Notre ennemi, c’est la finance», ne peuvent pas être prises au sérieux pour l’instant. Il prétend combattre les délocalisations des emplois de l’industrie étasunienne en Chine, mais ce pays n’est même pas signataire du TTP (Trans-Pacific Partnership). Les multinationales américaines ont tout à gagner avec ces traités de «libre»-échange. Dans le cadre de l’Alena (accord de libre-échange entre USA, Canada et Mexique signé en 1994) par exemple, la multinationale étasunienne Bilcon a déposé plainte en 2008 contre l’Etat du Canada après que celui-ci a empêché la construction d’une importante carrière et d’un terminal maritime, dans un espace côtier écologiquement sensible. Bilcon réclame 350 millions d’indemnisation.

Ces accords de libre-échange ont été sous le feu de l’actualité suite à l’opposition du parlement wallon au CETA. Croyez-vous que le vent tourne en Europe et que la fin de ces politiques de déréglementations est proche?
Dans l’Europe officielle, les lobbys financiers, industriels ou militaires continuent à imposer leurs vues à Bruxelles, mais les peuples rejettent de plus en plus ces politiques de démolition des services publics. Sans l’aide des médias dominants, l’information sur les dangers de cette dérégulation passe et la mobilisation s’amplifie, comme on le verra à Genève. Nous sommes dans un moment charnière pour inverser le rapport de force existant entre le peuple et les institutions.

Manifestation internationale Stop TiSA, Dimanche 4 décembre 2016 dès 14h, départ rue du Mont-Blanc, sortie de la gare Cornavin, Genève