Jacky Corthay, pasteur au grand cœur

Hommage • Le fondateur des Magasins du monde en Suisse romande et collaborateur de «Gauchebdo» nous a quittés.

Jacky Corthay nous a quittés dimanche dernier. Pasteur au grand cœur, administrateur de Gauchebdo, le Vaudois réalisait la rubrique «Maux croisés» du journal. Il avait dans les années 1970 fondé les Magasins du monde en Suisse romande.

Jacky avait été révolté par la misère rencontrée au cours de missions à Haïti et en Afrique du Sud dans les années 1960. De retour en Suisse, il lancera au début des années 1970 l’Action commune tiers-monde. Avec pour devise, «la justice, pas la charité», cette coalition regroupant des mouvements progressistes vendra du café tanzanien sur les marchés à un prix permettant aux producteurs de vivre dignement. Ce seront les prémisses des Magasins du monde, qui verront le jour en Suisse romande en 1974 avec un premier point de vente à la rue du Simplon, à Lausanne.

Intègre, le prêtre, qui exerça notamment son ministère dans le monde du travail et auprès des réfugiés, fut régulièrement en porte-à-faux avec l’Eglise réformée. «J’ai souvent été en tension avec l’Eglise. Le message de l’Evangile est révolutionnaire, mais l’institution est conservatrice, ce qui crée forcément des problèmes», nous confia-t-il.

Cet éternel indigné participa à de nombreuses campagnes humanitaires et politiques, il s’engagea ainsi contre l’apartheid en Afrique du Sud. En 2007, il adhéra au POP vaudois. «Je me suis offert la carte pour mes 70 ans. J’ai toujours été communiste», nous expliqua encore celui qui voyait dans Armand Forel un modèle et qui se sentait proche des idées d’un Josef Zisyadis.

Il rejoignit aussi la société d’édition de Gauchebdo. En plus des analyses politiques, il appréciait dans notre publication son sens de l’ouverture. Début 2009, il devint administrateur du journal, en remplacement de la Neuchâteloise Eva Fernandez, qui est aujourd’hui directrice du Courrier. Ce ne fut pas une sinécure pour ce pauvre Jacky. Il fut confronté à la direction de la Poste, qui supprima un temps l’aide à la presse à Gauchebdo, soit le rabais accordé pour l’acheminement des journaux.

Il passa des nuits blanches à se demander comment payer les salaires des deux journalistes. Il y parvint toujours, donnant de sa personne et aussi de son porte-monnaie. Cet homme généreux avait fait des collectes toute sa vie, mais se retrouva avec Gauchebdo face à des difficultés financières difficilement surmontables. Début 2011, c’est avec soulagement qu’il transmit les comptes au Jurassien Jean-Pierre Kohler. Il poursuivit sa collaboration en fournissant tous les quinze jours des «Maux croisés», dont le dernier fut publié il y a un mois.

En 2012, Jacky atteint l’âge de 75 ans et fêta l’événement en publiant un livre, Georges fait l’amour avec la vie. Dans ce roman largement autobiographique, Jacky nous fait partager son cheminement spirituel et social. Le titre n’a pas été choisi au hasard: Jacky aimait profondément la vie, les humains, la nature et les animaux.

Il affectionnait la montagne. Durant vingt-cinq ans, il fut gardien d’alpage l’été. Et c’est dans un chalet de St-Cergue qu’il vécut la dernière période de sa vie, entouré de sa compagne Chantal et de quelques bêtes.

Il a été enlevé à l’affection des siens dans sa huitantième année. Tous ceux et toutes celles qui ont eu la chance de le connaître partagent la peine de ses proches. Nos pensées accompagnent son épouse, ses enfants et petits-enfants qu’il aimait tant.