Fronde de gauche contre Prévoyance vieillesse 2020

Suisse • Les faîtières syndicales vaudoise et genevoise, la gauche radicale et l’AVIVO lancent le référendum contre Prévoyance Vieillesse 2020. Pour le reste de la gauche, un rejet du projet pourrait jouer le jeu de la droite.

La fronde de gauche contre le projet de prévoyance vieillesse 2020 est lancée, et elle vient surtout de Suisse romande. Alors que l’Union syndicale suisse votait vendredi dernier son soutien au compromis péniblement accouché par le parlement, un comité de gauche opposé au projet se constituait dans la foulée, annonçant le lancement d’un référendum. Baptisé «NON à la hausse de l’âge de la retraite –NON à la baisse des rentes!», il est emmené par les faîtières syndicales vaudoise et genevoise, le Pst/POP et solidaritéS, ainsi que l’association de défense des retraité-e-s AVIVO.

Une perte compensée à 94 ans
La pilule qui ne passe pas, c’est le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, alors que celles-ci, qui travaillent plus souvent à temps partiel et avec des salaires moindres, ont déjà des retraites moins élevées que les hommes. «Le paquet accepté par les Chambres fait payer par les femmes une économie d’un milliard 300’000 francs par an, alors que les écarts de salaires entre hommes et femmes représentent toujours plus de 7 milliards. C’est inacceptable», martèle l’AVIVO.

«Sous prétexte d’égalité, cela contraindrait ouvrières, vendeuses et secrétaires à trimer une année de plus ou, à défaut, à subir une baisse à vie de leur rente AVS», dénonce le communiqué du comité opposé à la réforme, qui estime que les 70 francs supplémentaires prévus dans l’AVS seront bien insuffisants pour compenser: «Le relèvement de l’âge de la retraite privera les femmes, en moyenne, de 24’000 francs. Avec le supplément mensuel de 70 francs, il faudra qu’elles vivent jusqu’à 94 ans pour récupérer cette perte». Cette hausse de 70 francs est du reste prévue pour compenser la baisse des rentes du 2e pilier liée à la diminution du taux de conversion, rappelle l’AVIVO, qui souligne encore la hausse des cotisations prévue. «En fin de compte, les cotisations vont augmenter et la prévoyance vieillesse va se réduire. Un gâchis», conclut l’organisation.

Le PSS et l’USS priés de se bouger pour l’égalité salariale
Les opposants au projet craignent encore une élévation ultérieure de l’âge de la retraite à 67 ans pour tou-te-s. «Dans le pays qui est déjà le champion du monde de la durée du travail, c’est l’inverse qu’il faudrait faire: diminuer l’âge de la retraite». Sans compter la difficulté qu’ont les plus de 55 ans sans emploi à en retrouver un. Ils fustigent enfin l’augmentation de la TVA, «impôt le plus antisocial». «Il est temps que s’affirme une opposition qui mette à l’ordre du jour les enjeux centraux: le refus de toute hausse de l’âge de la retraite, la défense des droits des femmes, l’amélioration des conditions de vie des retraité-e-s», conclut le comité.

Du côté de l’USS, dont les délégués ont soutenu le projet par 98 voix contre 21, on admet que l’élévation de l’âge de la retraite des femmes représente «un recul» et même une «grosse couleuvre à avaler», mais on qualifie le projet «d’ensemble globalement positif». «Les rentes AVS seront pour la première fois depuis 40 ans davantage augmentées que l’adaptation au renchérissement et à l’évolution des salaires», souligne la faîtière, qui rappelle aussi que les personnes travaillant à temps partiel seront mieux couvertes qu’aujourd’hui, via le 2e pilier. «Les inégalités de rentes entre femmes et hommes devraient ainsi se réduire dans le 2e pilier», estime-t-elle.

Les femmes socialistes ont elles aussi communiqué leur soutien à la réforme, «après une intense discussion». Elles demandent toutefois à leur parti de mener «une offensive en matière de politique d’égalité» et attendent de sa part «un engagement marqué, visant à renforcer l’égalité salariale, la conciliation entre vies familiale et professionnelle, la représentation des femmes en politique et dans l’économie ou encore la lutte contre la violence domestique». L’USS a elle aussi été mandatée par ses délégués «pour qu’elle étudie le lancement d’une campagne et d’une initiative sur la mise en œuvre de l’égalité salariale».

Denis de la Reussille explique sa position
Pour cette partie de la gauche, le projet est, en somme, «mieux que rien du tout», au vu du rapport de forces actuel au parlement, et son rejet servirait les intérêts de la droite. Les parlementaires PLR et UDC ont en effet refusé en bloc la réforme, s’opposant mordicus à l’augmentation de 70 francs de l’AVS. Denis de la Reussille, conseiller national popiste, qui a soutenu, lors du vote décisif du 16 mars dernier, le compromis issu de la conférence de conciliation entre les deux chambres, provoquant l’incompréhension d’une partie de la gauche radicale, a alors effectué une analyse similaire.

«Refuser le projet à ce moment en tant que seule voix de gauche aux côtés de l’UDC et du PLR n’était pas à mes yeux la bonne solution. Son rejet et renvoi au Conseil fédéral aurait été interprété comme une victoire de la droite. Avec le risque de voir venir dans six mois, un ou deux ans une nouvelle mouture encore plus dommageable pour les retraités», déclare le conseiller national. «J’ai soutenu tout au long du processus parlementaire les propositions les moins éloignées de mes convictions, puis j’ai rejeté le projet en vote final le 17 mars, comme je l’avais annoncé», explique encore l’élu, qui refuse l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes et soutiendra le référendum de gauche avec conviction.

La hausse prévue du taux de TVA nécessitant une modification de la Constitution, la population aura de toute façon le dernier mot, mais les opposants de gauche précisent que «c’est la «Loi fédérale sur la réforme de la prévoyance vieillesse 2020» dans son ensemble que nous combattons, et pas uniquement la modification constitutionnelle soumise au vote obligatoire». Ils ont jusqu’au 6 juillet pour récolter les 50’000 paraphes. Le vote est d’ores et déjà agendé au 24 septembre.