Quand Migros cumulusse ses domaines d’activité

Santé • Le développement de Migros dans des activités médicales a de quoi interpeller. La question de la protection des données a notamment été soulevée au parlement vaudois.

Tous les aspects de la vie semblent être couverts par la Migros. Aussi n’est-il pas étonnant que le marché de la santé si lucratif s’y ajoute aussi. En septembre 2015, Migros a acquis une part majoritaire dans les centres Santémed, donnant naissance au plus grand réseau de Suisse de médecine de premier recours. Implanté aujourd’hui uniquement en Suisse alémanique, ce réseau est encore absent de Suisse romande et du Tessin, mais des projets d’implantation à grande échelle dans ces régions ont été annoncés. Ce secteur complète ainsi ceux des denrées alimentaires, de la vente d’alcool et de tabac dans la filiale Denner, des produits pétroliers de Migrolino, des services bancaires, de l’enseignement, des cours et de la culture, des parcs de loisirs et du fitness.

Soucieux du potentiel d’utilisation des données recueillies depuis des années par Migros par le biais de la carte «Cumulus», le député vaudois Julien Sansonnens du groupe POP solidaritéS a interpellé le Conseil d’Etat sur la transparence de ces informations et sur d’éventuels croisements possibles.

En effet, la fameuse carte-client du géant orange accumule une masse considérable d’informations sur une grande partie de la population de Suisse estimée à deux millions de clients. Le député fait observer que les données personnelles représentent la matière première des profits de demain, une sorte d’or noir numérique. De tels buts commerciaux et lucratifs sont-ils compatibles avec des prestations de soins médicaux? Quelles pourraient être les conséquences dans ce domaine de renseignements sur la pratique sportive ou les préférences de consommation de patients-clients?

Le Conseil d’Etat se veut rassurant
La réponse du gouvernement évoque la loi de protection des données, le secret médical des professionnels de la santé, d’éventuelles sanctions administratives en cas de violation du consentement du patient et la liberté économique. Toutefois, il reconnaît la possibilité technique d’un risque d’interconnexions ou de croisements entre les bases de données lorsqu’une société contrôle un large réseau de distribution de biens de consommation, des centres sportifs et un réseau de santé.

Mais l’entreprise Migros étant une entreprise privée, elle n’est pas soumise à la Loi de protection des données du 11 septembre 2007 mais à la Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données et relève donc du Préposé fédéral. Celui-ci, selon le Conseil d‘Etat, suit de près les activités de Migros et son programme de fidélisation de la clientèle Cumulus. Un contrôle a eu lieu en 2005 et un dernier en 2014. Des recommandations et des propositions d’adaptation ont dès lors été acceptées par Migros. Pour conclure, le Conseil d’Etat estime suffisant l’arsenal juridique actuel, sous l’angle de la protection des données.

La santé n’est pas n’importe quel marché
Si l’interpellateur a pris note des propos rassurants de la réponse du Conseil d’Etat, il a tenu à rappeler que, même si le Conseil d’Etat fait référence à plusieurs reprises au principe fondamental de déontologie qui encadre l’activité des médecins, il n’en reste pas moins que, sans remettre en question la probité des médecins ou leur respect de ce principe, il est justifié de craindre que ce garde-fou ne se révèle ici ou là insuffisant. Surtout dès lors que le médecin devient un salarié et est potentiellement soumis à une certaine pression de son employeur.

Il convient donc de rester attentif lorsqu’un grand groupe comme Migros, lui ou un autre, souhaite développer une future implantation dans le domaine de la santé. Car la santé est certes de plus en plus un marché mais personne ne contestera qu’il n’est pas un marché comme un autre. Pour l’heure, aucune demande d’implantation n’est parvenue sur sol vaudois. La vigilance reste toutefois de mise.