On peut être une femme de pouvoir et ne pas soutenir les femmes

La chronique féministe • Dans cet entre-deux-tours de la présidentielle française, il faut parler du danger Front national...

Dans cet entre-deux-tours de la présidentielle française, il faut parler du danger Front national. La France a toujours été ingouvernable, de Gaulle le disait déjà, mais cette année 2017 aura été complètement folle. La primaire de la droite a jeté Sarkozy et Juppé aux oubliettes en faveur de Fillon, devant qui s’ouvrait un boulevard. Mais il est apparu, au fil des semaines, comme un profiteur cupide, un menteur et un parjure, qui a écœuré jusqu’à la nausée. Après le renoncement de Hollande, notamment à cause de ses confidences hallucinantes à deux journalistes, la primaire de la gauche a éjecté Arnaud Montebourg, Manuel Valls, ex-Premier ministre, et élu Benoît Hamon. L

e malheureux représentant du Parti socialiste, au fil des trahisons, a vu son score chuter et a terminé le premier tour avec 6,36%, à peine plus que le premier des «petits candidats», Nicolas Dupont-Aignan, qui a obtenu 4,7% des suffrages, puis qui a donné son soutien à Marine Le Pen. Pendant ce temps, le tribun Jean-Luc Mélenchon montait chaque jour dans les sondages mais a fini 4e, à 19,58%, juste après Fillon, 20,0%. Macron est arrivé premier avec 24,01%, Marine Le Pen, qui caracolait en tête dans les sondages depuis des mois, est 2e avec 21,3% des voix.

Nous voici donc avec deux candidats: Marine Le Pen du Front national, et Emmanuel Macron du mouvement «En marche!», à qui l’on reproche, à gauche, d’avoir travaillé dans la banque et à droite, d’être un clone de François Hollande. On prétend aussi qu’il n’a pas de programme, alors qu’il veut instaurer un système à la nordique, à la fois libéral et soucieux des travailleurs, avec une réelle protection sociale. Surtout, il semble vouloir rassembler les forces vives du pays, établir des ponts, comme le rêvait Obama au début de son mandat, tandis que le langage de haine xénophobe de Marine ne peut que diviser les Français-e-s.

Depuis les résultats du premier tour, je suis sidérée d’entendre un certain nombre de réactions. Mélenchon, pour qui j’avais de l’estime et une réelle sympathie, m’a déçue en se montrant mauvais perdant, et surtout en n’appelant pas clairement à voter pour Macron, lui qui l’avait fait pour Chirac lors de la catastrophe de 2002. Soutenir Chirac et non Macron, il y a une logique qui m’échappe. Le pire est qu’avec cette «pudeur de gazelle», selon sa propre expression, il pousse un certain nombre de ceux qui l’ont soutenu à voter soit Marine soit blanc, ce qui la favorise. Pourtant, même l’ignoble Fillon a clairement dit qu’il fallait choisir Macron, ainsi que Juppé, Sarkozy et d’autres personnalités de droite. On est plus frileux à gauche, ce qui me semble un comble. Il est inacceptable de mettre Le Pen et Macron dos à dos. Je n’arrive pas à comprendre qu’on ait à ce point banalisé un parti fasciste, comme l’ont démontré les enquêtes de Mediapart.

Liberté de la presse mise en danger
En effet, Pendant cette campagne, le Front national a élargi sa «liste noire» des médias interdits de suivre Marine Le Pen, notamment Mediapart et Marianne. Une attitude paradoxale: d’un côté, le FN effectue un tri des journalistes, de l’autre, il mène une stratégie de «dédiabolisation» qui passe par l’utilisation des médias. Mais le FN n’en est pas à un mensonge près.

Contre les intérêts des salariés

Pour nombre d’ouvriers et de précaires, Marine Le Pen est celle qui les comprend le mieux. Mais dans les faits – les déclarations de ses dirigeants, leurs votes, leurs décisions, et même leur programme –, le Front national ne défend pas les intérêts des salariés.

Contre les droits des femmes
Dans une tribune, mercredi, Marine Le Pen estime que «la crise migratoire signe le début de la fin des droits des femmes». Depuis quelques mois, pour mieux dénoncer l’immigration, elle se pose en défenseure des femmes. Mais dans son programme, dans ses votes, comme dans ses instances dirigeantes, le FN n’œuvre pas en faveur des femmes. Marion Maréchal-Le Pen a d’ores et déjà affirmé qu’on reviendrait sur le droit à l’avortement, ce que font tous les dictateurs: Hitler, qui favorisait l’interruption de grossesse chez les femmes des ethnies considérées comme «inférieures», mais l’interdisait aux Allemandes.

Pétain sous Vichy, qui fit une victime expiatoire en la personne de la Cherbourgeoise Marie-Louise Giraud, guillotinée le 30 juillet 1943 dans la cour de la prison de la Petite-Roquette. Elle fut la seule «faiseuse d’ange» à être exécutée pour ce motif. Plus près de nous, Erdogan, Orban… Relevons qu’Emmanuel Macron prône la parité dans les faits, notamment dans l’appel de son mouvement à la société civile, et rêve d’une femme Première ministre.

Néofascistes et salut hitlérien

Marine Le Pen est intervenue par une vidéo de soutien dans un grand rassemblement organisé par la Ligue du Nord, à Rome, le 28 février. Une manifestation où étaient présents des néofascistes italiens de CasaPound, des anti-islam allemands de Pegida, ou encore des sympathisants des néonazis grecs d’Aube dorée. Une photo révélée par Spécial Investigation montre le trésorier du micro-parti de Marine Le Pen, Axel Loustau, faisant le salut fasciste.

Contre le système
C’est sans doute la pire des mystifications frontistes: Marine Le Pen n’incarne en rien une alternative au «système». Le Front national est depuis 30 ans le laboratoire d’un modèle de gestion «autoritaire» de la crise. Issue du système qu’elle dénonce, elle est mise en examen pour détournement de fonds publics et incitation à la haine raciale, mais refuse de se rendre au tribunal…

Pour la peine de mort
Les deux députés élus du FN à l’Assemblée nationale (où il était absent depuis 1998) ont défendu, parmi ses fondamentaux, la peine de mort.

Soutien aux dictateurs

Farouchement opposée à une intervention militaire en Syrie, Marine Le Pen s’est toujours refusée à condamner le régime syrien. Dans son parti comme dans son entourage, ils sont plusieurs à soutenir publiquement Bachar el-Assad. Certains travaillent même avec le régime.

Yanis Varoufakis, ex-ministre grec de l’économie, soutient Macron, le seul des ministres européens qui ait tenté de sauver la Grèce. Ce qui prouve l’écoute qu’a Macron des problèmes internes et externes et sa volonté de les résoudre.
Libération du 2 mai publie en Une: «Pourquoi c’est toujours NON», avec, à l’intérieur, 16 pages anti-FN. A lire et à méditer.

Celles et ceux qui défendent les valeurs de la démocratie, de la liberté, de l’égalité, de la fraternité ont le devoir moral de s’opposer au FN en votant Macron.