Festival par-ci, festival par-là, quel avenir?

Musique • A voir Montreux essayer de faire survivre ce que fut le Septembre musical, on est en droit de se demander si, à multiplier les séries de concert nommées parfois fallacieusement festivals, on ne tue pas ce qui devrait être l’exceptionnel.

Il n’est plus de station de montagne ou de villégiature qui n’annonce son festival de musique, tentant de relancer un tourisme en perte de vitesse, de prolonger une saison, voire simplement d’occuper des artistes pendant l’été, ce qui fut du reste l’origine d’une des manifestations les plus prestigieuses aujourd’hui encore, le Lucerne Festival. En effet, Ernest Ansermet voulait offrir des possibilités de travail à ses musiciens au chômage l’été. Et puis Toscanini vint à Lucerne et d’autres noms célèbres fuyant le nazisme et le fascisme. On connaît la suite: les Semaines internationales de musique au bord du lac des Quatre-Cantons deviennent le festival dont on parle, à côté de celui de Salzbourg, les opéras en moins.

Deux festivals en Suisse: Lucerne et Montreux
Un certain Manuel Roth eut l’idée de créer un festival en Suisse romande aussi au bord d’un lac, face à une vue idyllique, comme à Lucerne, et en 1946 naît le Septembre musical. Dès lors, on a deux festivals réputés en Suisse: Lucerne et Montreux-Vevey. Ils proposent des orchestres, des chefs, des solistes et des œuvres d’exception qu’on n’entend pas à l’abonnement pendant la saison, que ce soit à Lausanne ou à Genève, pourtant privilégiées sur le plan musical, et même dans bien des villes étrangères plus grandes. Donc un public international se joint aux mélomanes de la région et des cantons avoisinants.

On crée l’événement, d’un indéniable prestige, mais cela coûte et peu à peu, le tourisme ayant changé d’objectif, on ne vient plus guère en vacances à Montreux, donc les hôteliers n’y trouvent finalement pas leur compte. On ne va pas refaire l’histoire du Septembre musical*, de ses aléas, des années glorieuses aux difficultés financières, puis au désamour du public pour une nouvelle programmation qui ne correspond pas à ses attentes. Le festival peu à peu se meurt. Grâce au chef d’orchestre Karl Anton Rickenbacher, il connaît un courageux rebond en 2002, mais en 2017 on a l’impression que la manifestation se cherche encore.

Un Septembre musical scindé en deux
Tobias Richter, son actuel directeur, convoquait la presse, à vrai dire peu nombreuse, à la présentation du programme de l’été 2017 dans un hôtel de la région. En fait, le Septembre musical ou Festival de musique classique Montreux –Vevey ne compte que deux concerts en septembre, mais sept en août, outre les Hivernales, deux soirées qui sont proposées en février. Scinder le festival en deux parties est une idée surprenante d’autant qu’en hiver, on n’est pas en manque de musique alentour. A qui donc destine-t-on ces deux concerts? Les gens de Montreux et environs, pour autant qu’ils ne soient pas partis skier, suffisent-ils à remplir l’Auditorium Stravinsky? Quant au programme de l’été, est-il suffisamment attrayant pour garantir le succès, offre-t-il l’exceptionnel?

Après le concert des finalistes du concours Clara Haskil au Théâtre de Vevey, avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne (OCL) dirigé par Christian Zacharias, le 25 août, on retrouvera le Royal Philharmonic Orchestra de Londres avec Charles Dutoit dans un programme entièrement Ravel le premier soir, Ravel-Gerschwin le deuxième soir; on aura bien sûr les deux concertos pour piano, celui pour la main gauche avec Bertrand Chamayou, et celui en sol avec Marc-André Hamelin, la Valse, Ma mère l’Oye, le Tombeau de Couperin; on peut regretter que, de Gershwin, on ne donne que la très connue Rhapsody in Blue et une suite symphonique tirée de Porgy et Bess, sans doute dans l’arrangement de Russell Benneth.

Plus intéressant et inattendu, en première partie du moins, le programme de music Aeterna et de son surprenant chef Teodor Currentzis alterne Tallis et Purcell avec Schnittke et Ligeti, avant…le Requiem de Mozart. On se réjouit de réentendre l’European Philharmonic of Switzerland (EPOS), cet orchestre qui regroupe, entre autres, des anciens du Mahler Chamber Orchestra fondé par Abbado. Il sera sous la direction de Lorenzo Viotti, fils du regretté Marcello Viotti, avec le violoniste Renaud Capuçon, dans le concerto de Max Bruch, entre Verdi et Tchaikovski, puis jouera, le soir suivant, le K.467 de Mozart avec Andrew Tyson, prix Géza Anda, suivi de la 2e de Brahms.

Plus original, le concert au Château de Chillon, en collaboration avec la Verbier Festival Academy, présente deux pianistes qui interpréteront, outre des pièces en solo, deux œuvres à quatre mains de Schubert. Enfin, en septembre cette fois, le festival se terminera avec deux concerts par le Russian National Orchestra, dans Prokofiev, la «Classique», Mendelssohn, l’«Italienne», Dvporak, la 8e et l’on sera heureux de réentendre le pianiste Mikhail Pletnev dont les interprétations ne laissent jamais indifférent, en particulier, le dernier soir 2 septembre, dans un concerto de Scriabine.

Oser étonner le public
Mais la concurrence est là. Verbier, Gstaad, Sion, Zermatt, pour n’en citer que quelques-uns tout proches et juste sur la rive d’en face Evian, etc.,etc. Sans parler du Lucerne Festival qui a, pour lui, d’oser présenter la musique d’aujourd’hui, avec de nombreuses premières et créations, non pas en des séances spéciales mais au programme de tous ses concerts dont ceux du soir, avec les plus grands chefs, orchestres et solistes. Et le public suit, toutes générations confondues. On a tort de trop souvent mésestimer la capacité d’écoute, de curiosité et d’émerveillement des auditeurs pour peu que l’occasion leur est donnée de découvrir et de s’étonner et pour autant qu’on arrive à créer un caractère un peu festif à l’événement.

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* cf le livre de Jean-Pierre Monnard Septembre musical 70 ans de festival aux éd. Infolio