Jours tranquilles à Soleure

Littérature • A l’occasion de la 39e édition des Journées Littéraires de Soleure, qui se sont tenues du 26 au 28 mai, notre chroniqueur nous fait part de ses quelques impressions.

Soleure, belle ville romantique et écrin des journées du film, accueille également le plus original festival de littérature au monde. Nous nous sommes attelées à la tâche impossible de rencontrer les plus de 70 auteurs et traducteurs présents lors de l’événement, avec quelques belles découvertes à la clé.

La programmation de cette vitrine littéraire de la Suisse est faite par une commission de personnalités de la branche des quatre régions linguistiques, sous l’égide de la directrice des Journées littéraires de Soleure, Reina Gehrig. Elle était composée cette année de Geneviève Bridel (journaliste, Genève), Daniele Cuffaro (romaniste, collaborateur des Archives littéraires suisses, Berne), Nathalie Garbely (chargée de projets littéraires, Genève), Reina Gehrig (historienne d’art, Berne), Pablo Haller (rédacteur, auteur, Kriens), Valeria Heintges (germaniste, Zurich), Stefan Humbel (germaniste, Berne), Christoph Kuhn (germaniste, journaliste, Birwinken), Beat Mazenauer (critique, auteur, membre de l’équipe des JLS, Lucerne), Karin Schneuwly (germaniste, Zurich), Verena Stössinger (autrice, spécialiste de la Scandinavie, Bâle).

Des auteurs primés
Première découverte, Ernst Burren, né en 1944 à Oberdorf, professeur d’école primaire durant 40 ans et aujourd’hui à la retraite. Toutes ses publications sont apparues dans le dialecte suisse-allemand du canton de Soleure. Son dernier ouvrage Dr Chlaueputzer trinkt nume Orangschina, est un roman au cœur de la situation actuelle de la vie rurale, à cheval entre les progrès technologiques et les impositions sociales. Il est également l’auteur de Non einisch uf d Maledive, Blaui Blueme, Näschtwermi et Dr Stammgascht. L’auteur est excellent. L’homme, moins, même s’il n’a jamais porté la moustache.

Elisa Shua Dusapin, est quant à elle née en 1992 en Corrèze, d’un père français et d’une mère sud-coréenne et a grandi entre Paris, Séoul et Porrentruy. Elle est diplômée de l’Institut littéraire suisse de Bienne. Hiver à Sokcho, son premier roman, a reçu le Prix Robert Walser 2016, le Prix Révélation 2016, le Prix Alpha 2017 et le Prix Régine Deforges 2017. Il raconte l’histoire d’une jeune franco coréenne réceptionniste dans un hôtel de Sokcho, ville portuaire proche de la Corée du Nord, qui va côtoyer un jeune auteur de bande dessinée français. L’intérêt pour la culture française de son père absent, le rejet de l’étouffante mère coréenne et l’attirance-rejet avec le dessinateur hôte, vont tisser tout le roman. Par touches délicates, l’autrice crée un climat où la neige engourdit la volonté et recouvre les traces d’une longue guerre dont la frontière est une cicatrice encore ouverte. Elisa Shua Dusapin écrit actuellement son deuxième roman.

Une association de création littéraire collective
Egalement présente au festival, l’AJAR (Association des jeunes auteurs romands) pratique la création littéraire collective sous toutes ses formes. En 2016 ses membres publient leur premier roman à dix-huit* mains donnant corps à l’autrice fictive Esther Montandon. Vivre près des tilleuls a été primé par la Fondation Bodmer. Comme le décrit le catalogue du festival, «ce ‘journal de deuil’, prétendument retrouvé dans ses archives, relate la vie ‘après’ la mort d’une petite fille. La chronologie bousculée mêle des instantanés de l’enfant, un présent qui s’effiloche et une relation de couple qui se défait. Sans pathos ni artifice, l’écriture d’Esther Montandon – alias l’AJAR – explore les multiples strates de la douleur maternelle». Le collectif a également publié Le monde autour. Ses membres mènent, pour quelques-uns, une écriture nominale en parallèle et, pour quelques autres, une activité artistique proche et sympathisante des mouvements Gender Fluide et du Nouveau Féminisme.

Enfin, Fiston Mwanza Mujilla, né en 1981 à Lubumbashi, République Démocratique du Congo, enseigne la littérature africaine à l’Université de Graz (Autriche) et écrit de la poésie, de la prose et des performances. Tram 83 est son premier roman, pour lequel il a reçu déjà de nombreux prix. La traduction en allemand de Katharina Meyer et Lena Müller, également présentes au festival, est finaliste dans la catégorie «meilleure traduction» du prestigieux Prix international de littérature de la maison de la culture de Berlin, qui sera décerné en juillet.

* Les auteurs sont Arthur Brügger, Joanne Chassot, Guy Chevalley, Clémentine Glerum, Élodie Glerum, Julie Guinand, Nicolas Lambert, Julie Mayoraz, Sébastien Meier, Bruno Pellegrino, Manon Reith, Matthieu Ruf, Hugo Saint-Amant, Noémi Schaub, Lydia Schenk, Aude Seigne, Anne-Sophie Subilia, Daniel Vuataz, Fanny Wobmann, Vincent Yersin.