Barbet Schroeder, les larmes de Bambi ou la banalité du Mal

Cinéma • Les cinémas du Grütli de Genève proposent une sélection de films du réalisateur d’origine suisse Barbet Schroeder.

Suite à la rétrospective complète récemment organisée par le Centre Pompidou à Paris, les cinémas du Grütli de Genève proposent une sélection de films de Barbet Schroeder. Découvrir ce producteur-réalisateur sans lequel la Nouvelle Vague française des années 60 n’aurait pas été possible (il fonda Les Films du Losange à 22 ans, en 1963) est une occasion à ne pas rater.

Barbet Schroeder a passé une partie de son enfance en Colombie. En 1948, alors que la révolte populaire «El Bogotazo», éclate dans la capitale, suite à l’assassinat du leader politique de gauche Jorge Eliecer Gaitán, candidat à la présidence, Barbet Schroeder, alors âgé de 7 ans, découvre en larmes le cinéma dans une salle obscure de la ville avec le dessin animé Bambi: «Je n’ai pas supporté les émotions qu’il suscitait en moi, et on a dû me faire sortir de la salle en pleurs. Quelques années plus tard, à Paris, je suis devenu un fervent cinéphile, un enfant de Langlois, de la Cinémathèque française et de ses rétrospectives Murnau, Mizoguchi, Howard Hawks, et bien d’autres dont Fritz Lang que j’ai rencontré», explique-t-il dans un entretien accordé à la revue Code Couleur.

Le mal comme colonne vertébrale
On peut dire que le Mal représente la colonne vertébrale d’une œuvre aussi diverse, foisonnante que difficile à cataloguer. «Il faut apprendre à détecter la normalité, la bonne humeur, les mensonges, la douceur et parfois l’intelligence derrière laquelle se cache le mal», déclare-t-il dans le cadre du même entretien.

Présenté en mai à Cannes, son dernier film, Le vénérable W., le portrait d’un moine bouddhiste extrémiste, clôt sa Trilogie du Mal qui compte deux autres documentaires saisissants, Général Idi Amin Dada : Autoportrait (1974) et L’avocat de la terreur (2007), documentaire sur le truculent avocat Jacques Vergès, qui gagna le César 2008 du meilleur film documentaire.

Le même Mal semble décelable dans les têtes pubères des enfants tueurs de Pablo Escobar dans La Vierge des Tueurs (2000) ou dans l’esprit dérangé de la demi-jumelle Hedy dans JF partagerait appartement (1992), ou encore dans le personnage Claus du film qui a valu a Jeremy Irons un Oscar 1991 du meilleur acteur Le Mystère von Bülow (1990).

Le goût de B. Schroeder pour les écrivains torturés et habités par la décadence morale (Charles Bukowski et Fernando Vallejo) le conduisent naturellement à adapter leurs œuvres littéraires dans des fictions impeccables marquées par un réalisme documentaire imprégnant son style bariolé, kaléidoscopique, plurilingue et cosmopolite.

Cycle Barbet Schroeder, Cinémas du Grütli, Genève, jusqu’au 4 juillet.