Le conseil des Etats refuse de criminaliser BDS

Suisse • Le conseil des Etats a partiellement rejeté une motion UDC qui avait été adoptée par le national en mars. Celle-ci attaquait entre autres le mouvement BDS, qui fait pression sur Israël par le boycott.

Le mouvement BDS a initialement été lancé par 171 organisations palestiniennes.

La semaine dernière, le Conseil des Etats a refusé d’adopter telle quelle une motion du conseiller national UDC Christian Imark, qui avait été largement acceptée par le Conseil national quelques mois plus tôt. Le texte demandait de modifier la loi de façon à ce que la Suisse «ne puisse plus subventionner, même indirectement, les projets de coopération au développement menés par des ONG impliquées dans des actions racistes, antisémites ou d’incitation à la haine, ou encore dans des campagnes BDS» (Boycott, Désinvestissement et Sanctions, campagne internationale qui fait pression pour qu’Israël respecte le droit international, ndlr).

Lors de la présentation de sa motion au Conseil national, Christian Imark avait cité explicitement des organisations israéliennes et palestiniennes qui reçoivent des financements de la Confédération comme Breaking the silence, une organisation d’anciens soldats qui dénonce les pratiques de l’armée israélienne, ou Al Haq, une organisation palestinienne de défense des droits humains critique de la politique de l’Etat hébreu, mais également de l’autorité palestinienne.

Laisser s’exprimer toutes les composantes de la société
Le hic: la motion de M. Imark se basait essentiellement sur les arguments de «NGO-Monitor», une organisation israélienne proche d’une nébuleuse de droite qui mène un lobbyisme actif notamment en Europe afin de décrédibiliser toute forme de voix critique envers l’Etat d’Israël. Breaking the silence et Al Haq, pour ne prendre que ces exemples, sont du reste largement reconnues pour le sérieux de leur travail. «Israël est un pays pour lequel j’ai beaucoup de respect, mais je suis fondamentalement convaincu que sa force vient de sa société et si on empêche cette société de s’exprimer, si on essaie d’empêcher que l’ensemble des composantes de la société aient la possibilité de s’exprimer, alors on affaiblit Israël», a d’ailleurs commenté le conseiller fédéral Didier Burkhalter dans le cadre du traitement de la motion.

Et de rappeler que «la Suisse ne soutient en aucune manière des organisations incitant à la haine, à la violence, au racisme ou à l’antisémitisme. Elle ne s’est jamais associée au mouvement dit BDS et ne finance ni ne soutient aucune campagne appelant au boycott de produits israéliens».

Si l’argumentation n’aura pas suffi devant le conseil national, où la motion a été adoptée en mars par 111 voix contre 78, sans l’ombre d’une discussion(!), elle aura fait effet au Conseil des Etats. Celui-ci a en effet retiré toute référence au Proche-Orient ou à BDS, ainsi que tout caractère contraignant à la motion, se contentant de charger le Conseil fédéral «d’examiner et, le cas échéant, de modifier les lois, ordonnances et règlements concernés», de manière à ce que la Suisse ne puisse pas subventionner, même indirectement, des projets menés par des ONG impliquées dans des actions racistes, antisémites ou d’incitation à la haine. «Les instruments pour cela existent déjà», a cependant précisé le Conseil fédéral.

Le vote du conseil national, en mars, était passé inaperçu en Suisse mais avait fait grand bruit notamment en Israël, jusqu’à être salué par le président du congrès juif mondial Ronald Lauder.

BDS, un exercice légitime de la liberté d’expression
Du côté du mouvement BDS, on s’est empressé de saluer la décision du Conseil des Etats, tout en rappelant, par voie de communiqué, que «le droit de lutter par le boycott (BDS) pour les droits des Palestinien-nes est reconnu publiquement par l’UE ainsi que par les gouvernements hollandais, irlandais et suédois» et qu’en décembre 2016, plus de 200 juristes renommés provenant de 15 pays européens, parmi lesquels Robert Kolb, ancien conseiller juridique du Comité International de la Croix Rouge et du département fédéral des Affaires Etrangères, ainsi que Marco Sassoli, ancien chef suppléant du service juridique du CICR, ont adopté une déclaration qui reconnaît le droit d’exercer des pressions sur Israël au moyen de boycotts, de désinvestissements et de sanctions (BDS) comme un exercice légitime de la liberté ­d’expression.