L’étonnante modernité de Carl Schuricht

Musique • Mort il y a cinquante ans, le chef d’orchestre allemand a marqué la vie musicale romande.

Poursuivant sa collection des Lucerne Festival Historic performances, donc l’histoire sonore du festival de Lucerne, Audite publie un disque Schuricht en cette année qui marque les 50 ans de sa mort. Le chef allemand, né à Dantzig en 1880, quitte son pays pendant la guerre pour se réfugier à Genève sur proposition d’Ernest Ansermet. Il reste trois ans au bout du lac, s’établit ensuite à Fontanivent, puis à Corseaux dans le canton de Vaud et tisse sur les bords du Léman des liens qu’on peut qualifier d’affection, outre l’admiration que lui valent ses qualités de chef à la battue précise, à l’expression toujours au service des œuvres, et la richesse de son répertoire. Les choristes de Chailly et de la Tour de Peilz (et les auditeurs dont je fus) gardent un souvenir inoubliable de la 9e symphonie de Beethoven qu’il dirigea en 1954 au Septembre musical de Montreux et qui fit événement.

Une Missa Solemnis qui avait impressionné
Schuricht avait impressionné Lucerne avec une Missa Solemnis en 1943. En 1961 il y dirige à la tête de l’orchestre du festival le concerto en si bémol K. 595 dont Casadessus est le soliste. La clarté, la vivacité pleine de délicatesse, le rebond et surtout le tempo étonnamment rapide pour l’époque du chef et du pianiste frappent dès les premières mesures, ainsi que la précision des phrasés, des nuances, le chant sans alanguissement postromantique. Une année plus tard, Schuricht donne la 2e symphonie de Brahms avec le Philharmonique de Vienne. Là encore l’énergie, la puissance sans recherches d’effets éclatants mais bien plutôt de profondeur dans la sonorité, la balance entre les registres, l’agogique subtile qui rend naturelle la mobilité du tempo laissent oublier que Schuricht a plus de 80 ans. Il est vrai qu’il fut toujours économe de gestes, dirigeant essentiellement du regard. Très rigoureux en répétition, il se laissait aller en concert donnant le sentiment de spontanéité et d’une généreuse sensibilité. C’est ce qu’on entend sur ces enregistrements pris sur le vif et remarquablement remastérisés.

Audite, 95.645 Mozart concerto pour piano K, 595, avec Robert Casadessus, Brahms, Symphonie n° 2, op. 73