Admission provisoire: un pas en avant, deux pas en arrière

Asile • La volonté du Conseil fédéral d’améliorer le statut d’admission provisoire a été lamentablement vidée de sa substance par le Conseil national puis le Conseil des Etats.

«Les personnes sans motif d’asile valable ne doivent pas être intégrées, il s’agit de ne pas perdre de vue l’objectif qui consiste à les renvoyer dans leur pays.» Ainsi s’exprime la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) dans un communiqué de presse paru mardi. Par 7 voix contre 4, les membres de la commission ont rejeté une motion de la commission équivalente du conseil national (CIP-N) qui demandait ou nouveau statut pour les étrangers admis à titre provisoire (permis F), soit les personnes qui ne remplissent pas les critères pour obtenir l’asile mais qui ne peuvent être renvoyées dans leur pays (par exemple en raison d’une guerre ou de violence généralisée). En effet, ce statut représente un obstacle considérable à leur intégration, en particulier sur le marché du travail.

A l’origine: un rapport du Conseil fédéral
Mais un petit retour en arrière s’impose. En octobre 2016, le Conseil fédéral adoptait un rapport intitulé «Admission provisoire et personnes à protéger: analyse et possibilités d’action», qui contenait trois propositions de réformes: la première envisageait de remplacer l’admission provisoire par une autorisation de séjour standard, la seconde de la remplacer par un nouveau statut de protection, plus stable que l’actuel mais révocable en cas de changement de la situation dans le pays d’origine, et la troisième proposition consistait à maintenir le statu quo avec certaines adaptations, comme un changement de nom. Tandis que les organisations solidaires des migrants saluaient un rapport qui offrait une perspective d’en finir avec le permis F si précaire, les partis bourgeois s’empressèrent de parler de «déception» et de «provocation».

Six mois plus tard, en avril 2017, la CIP-N, s’inspirant du rapport du Conseil fédéral, déposait une motion visant à remplacer le statut d’admission provisoire. Mais plutôt que de se prononcer en faveur d’une amélioration de statut pour toutes les personnes admises à titre provisoire, la commission demandait au Conseil fédéral de créer deux nouveaux statuts, voire même davantage si nécessaire. Pour la CIP-N, les personnes qui resteront durablement en Suisse devraient devenir des «personnes à protéger», tandis que celles «dont on pourrait s’attendre à ce qu’elles n’aient besoin que d’une protection provisoire» deviendraient des «personnes à protéger provisoirement». Ces dernières n’auraient plus aucune possibilité de regroupement familial et leur insertion sur le marché du travail devrait être «limitée» et cantonnée à des travaux d’intérêt généraux ou des missions temporaires dans des domaines comme l’agriculture. En d’autres termes, les «personnes à protéger provisoirement» deviendraient de la main-d’œuvre corvéable à merci et quasiment non-payée. La motion a été acceptée par le Conseil national en juin 2017 et c’est en prévision du débat au Conseil des Etats que la CIP-E s’est prononcée mardi dernier.

Beaucoup de bla-bla pour peu de résultat

Si le rapport du Conseil fédéral avait suscité quelques espoirs, ils sont maintenant définitivement déçus. Avec, d’un côté, un Conseil national qui veut multiplier encore le nombre de permis de séjour et, de l’autre, un Conseil des Etats qui, s’il suit sa commission, réaffirmera clairement son opposition à toute réforme visant à améliorer le statut de l’admission provisoire par crainte de créer des «incitations inopportunes», les choses ne changeront pas de sitôt pour les quelques dizaines de milliers de personnes au bénéfice d’un permis F. Finalement, on ne peut que constater que quand nos parlementaires parlent du domaine de l’asile, c’est beaucoup de papier et de «bla-bla» pour peu de résultat…