Le renouveau de Septembre musical à Montreux-Vevey

Musique • De Charles Dutoit à Mikhaïl Pletnev, en passant par Lorenzo Viotti et l’étonnant Teodor Currentzis, le «Septembre musical» tente de renouer avec la notoriété de jadis.

Il appartenait à Charles Dutoit d’ouvrir, cette année comme l’année passée, le Festival Montreux-Vevey qui a repris son ancienne appellation de Septembre musical même si la majorité des concerts a lieu fin août! En fait, le premier concert à l’affiche était le 25 août avec les finalistes du Concours Clara Haskil sous la direction de Christian Zacharias à la tête de l’OCL. Mais c’est la soirée Ravel, le samedi 26 août, avec le Royal Philharmonic Orchestra sous la direction de Charles Dutoit, qui marquait vraiment le début de la manifestation. Puis le lendemain, avec le même orchestre et le même chef, on entendait Ravel encore et Gershwin, que Ravel avait rencontré lors d’une tournée aux USA et dont il admirait les improvisations. A noter que les deux compositeurs sont morts en 1937. Au programme de ces deux concerts figuraient entre autres les concertos pour piano de Ravel, avec Bertrand Chamayou dans celui pour la main gauche et Marc-André Harmelin dans celui en sol, la Valse ainsi que, de Gershwin, Rhapsody in Blue et la suite symphonique de Porgy and Bess.

Digne successeur d’Ansermet
La réputation de Charles Dutoit n’est plus à faire, en particulier lorsqu’il dirige la musique française, en cela digne successeur de Ernest Ansermet dont il suivait assidûment les répétitions avec l’Orchestre de la Suisse romande: «Bien qu’il ne fut pas mon professeur, il a été mon mentor». Que ce soit dans l’apparente simplicité pleine de tendresse de Ma mère l’Oye ou les raffinements d’orchestration de la Rhapsodie espagnole, Dutoit arrive à allier une intelligence et une sensibilité toute en finesse, en transparence, une agogique subtile et ménager des progressions de nuances fabuleuses. Il s’est surpassé dans une hallucinante interprétation de La Valse, d’une tension tragique inexorable à partir de ces ébauches et réminiscences qui conduisent à l’effondrement final. Remarquable. En revanche je n’étais pas absolument convaincue par la partie solistique du concerto pour la main gauche; j’aurais souhaité un jeu plus différencié entre le déferlement d’arpèges dramatiques, l’émotion du chant central, l’ironie de l’épisode jazzique, indépendamment d’une virtuosité certes impressionnante.

Une œuvre de Scriabine peu connue
Si le choix des œuvres au programme du Septembre musical est assez conventionnel, à part la première partie du concert présenté par le greco-russe Teodor Currentzis qui, avec son chœur et son orchestre musicAeterna, alterne baroque et 20e siècle le 28 août à Vevey, il faut relever, lors de la dernière soirée du 2 septembre à l’Auditorium Stravinski, un concerto pour piano qu’on n’entend guère, celui de Scriabine. Il s’agit d’une œuvre de jeunesse, qui date de 1897, d’allure plutôt romantique, avec des rythmes, des chromatismes, des lignes mélodiques qui dénotent son caractère russe. Mikhaïl Pletnev, dont on connaît le jeu d’une profondeur, d’une expressivité et d’une technique extraordinaires en sera l’interprète avec le Russian National Orchestra qu’il a fondé et que dirigera ce soir-là Conrad van Alphen.

Des chefs suisses qui brillent à l’étranger

On apprenait l’autre jour que Charles Dutoit vient de recevoir une des plus prestigieuses récompenses de la musique classique, la médaille d’or de la Royal Philharmonic Society, un honneur qu’il partage avec Herbert von Karajan, Pierre Boulez, Claudio Abbado, et autres baguettes célèbres. Nul n’étant prophète en son pays, on sait que l’essentiel de sa carrière, il l’a faite à l’étranger, en particulier dès 1977, à Montreal. Dès lors il dirigera les plus grands orchestres dans le monde entier. Autre chef suisse plus connu à l’étranger que chez nous (on pourrait en citer plusieurs encore), Lorenzo Viotti est à la tête de l’European Philharmonic of Switzerland les 29 et 31 août à Montreux. L’EPOS réunit des instrumentistes professionnels jouant dans divers ensembles européens; une partie de ces musiciens s’est connue au Gustav Mahler Jugend Orchester fondé jadis par Claudio Abbado, dirigé aujourd’hui par Ingo Metzmacher dont Lorenzo Viotti est l’assistant. Donc il existe des chefs d’orchestre suisses, et même des chefs vaudois! Il n’empêche qu’on est allé chercher à New York le nouveau directeur de l’OCL! Précisons que cela n’ôte rien aux qualités de Joshua Weilerstein, mais disons que New York n’est pas la porte d’à côté pour qui dirige à Lausanne.