Sale temps pour les journalistes

Il faut le dire • La profession de gros éditeur semble définitivement plus prometteuse que celle de journaliste. Pas de chômage pour les pontes de Tamedia et autres durant cet été. Il y avait du pain sur la planche, histoire de préparer les annonces de la rentrée...

La profession de gros éditeur semble définitivement plus prometteuse que celle de journaliste. Pas de chômage pour les pontes de Tamedia et autres durant cet été. Il y avait du pain sur la planche, histoire de préparer les annonces de la rentrée.

Ainsi, Tamedia informait fin août de la fusion des rédactions du Matin et de 20 minutes, avec six licenciements à la clé, et du regroupement des principales rubriques de la Tribune de Genève, du Matin Dimanche et de 24 heures à Lausanne. Dans ce cas, «aucune suppression d’emploi n’est prévue pour 2017», assure-t-on. Comprendre: dès 2018 ce sera une autre histoire. Des mesures similaires sont prévues en suisse alémanique.

Du côté de Hersant, ce sont l’Express et l’Impartial qui fusionnent, avec 10 départs à la retraite non remplacés. Pour rappel, en 2016, Tamedia avait déjà supprimé des postes, touchant 20 personnes, dans les rédactions vaudoise et genevoise, alors que Ringier Axel Springer annonçait début 2017 des licenciements au Temps et la suppression de l’Hebdo… moins de deux ans après avoir réuni ces titres au sein d’une même «newsroom».

Le prétexte à cette hécatombe est présenté comme inéluctable: la chute des revenus publicitaires. Pourtant, loin d’avoir disparu, ceux-ci ont avant tout migré sur les plateformes digitales de petites annonces des mêmes éditeurs, qui refusent de les réinvestir dans les journaux, tout en continuant cependant à exiger d’eux la rentablilité. Tamedia, pour n’en citer qu’un, «fait toujours des bénéfices faramineux, paie des salaires et bonus indécents à son management et sort chaque année environ 50 millions de dividendes aux actionnaires», dénonce Syndicom.

Au final, c’est sur les journalistes que retombe la charge de sauver les meubles, ceux-ci étant soumis à l’injonction contradictoire de faire preuve de «créativité» pour faire face à la situation, tout en étant de plus en plus pressurisés. S’il leur venait l’idée de se plaindre, la porte ne sera de toute manière jamais très loin. Quant au risque d’uniformisation de l’information et à la perte pour le débat démocratique, qui s’en préoccupe? A l’heure où la crédibilité de la presse est plus que jamais remise en question et où un Christophe Blocher rachète des journaux à tour de bras, ce n’est pourtant pas le moindre des sacrifices.

Dans ce paysage désolé et désolant, le rôle de la presse indépendante, alternative et d’opinion semble plus que jamais fondamental. Fonctionnant pratiquement sans revenus publicitaires, elle devra toutefois pouvoir compter sur toutes celles et ceux qui refusent de laisser quelques gros groupes et milliardaires fixer les termes du débat démocratique dans ce pays.