Les différends entre le Haut et le Bas ne sont pas près de disparaître

Neuchâtel • Le canton voit trois objets soumis au vote le 24 septembre. Touchant aux relations Haut Bas, les résultats pourraient être porteurs de calme ou comme de tempête.

Les quotidiens neuchâtelois ont récemment publié l’avis de deux historiens, Jean-Daniel Morerod et Jean-Marc Barrelet, pour tenter de décrypter l’origine des différents entre Haut et Bas du canton. Au Moyen-âge déjà, les deux régions connaissaient des relations tendues, apprend-on. Des rivalités existaient alors entre les seigneuries de Valangin et Neuchâtel et ne se sont arrêtées qu’avec l’extinction de la dynastie de Valangin. Pour Jean-Pierre Jelmini, lui aussi historien, les tensions entre le Haut et le Bas du canton ne relèvent pas «d’un collage historique entre deux régions antagonistes. Il s’agit bien d’une rivalité interne et ce dès les origines». Au 14ème siècle, personne n’imaginait que les montagnes connaîtraient un jour un autre destin que celui de terre agricole. L’apparition et le développement de l’industrie horlogère ont bouleversé la situation. Jean-Marc Barrelet estime ainsi que les habitants des Montagnes regrettent aujourd’hui leur richesse passée et leur prospérité. Relativement à cette remarque, il semble utile de préciser que dans la période faste de la croissance industrielle horlogère, si les patrons étaient riches, les ouvriers restaient inquiets sachant que les crises se succèdent les unes après les autres. Par ailleurs, il faut également constater que jamais les gens du Haut n’ont exigé que les institutions cantonales soient établies dans les Montagnes.

Il est trop facile de considérer le conflit Haut – Bas comme une querelle entre chapelles. En effet, des éléments objectifs démontrent que le développement du canton ne se fait pas au même rythme entre ces deux régions. Le Conseil d’Etat, soutenu par les grands partis, semble répondre avant tout aux exigences des milieux économiques et financiers et ses décisions profitent davantage au Littoral qu’aux Montagnes ou au Val-de-Travers. Avec son slogan «un canton – un espace», le Conseil d’Etat ne fait qu’aggraver la situation. On peut cependant considérer que les tensions actuelles sont de même nature que celles qui existaient au Moyen-Âge, dans le sens où elles restent basées sur des conflits de pouvoir.

Une dette de plus est une dette de trop?
Après ces considérations générales, examinons les trois sujets cantonaux soumis à votation le 24 septembre prochain, pour en comprendre les enjeux.

Tout d’abord, la population aura à se prononcer sur le Nouvel Hôtel judiciaire, prévu proche de la gare de La Chaux-de-Fonds. Il s’agit d’un petit sucre pour tenter de faire avaler la concentration hospitalière à Neuchâtel, car il n’apportera pas grand-chose à la ville, si ce n’est au plan symbolique. Le projet a malgré tout été combattu par un référendum lancé par des gens du Bas, les mêmes qui veulent la concentration de l’hôpital chez eux. Leur argumentation consistant à affirmer que le projet, devisé à 48 millions, coûte trop cher, est mensongère, car elle ne prend pas en compte le fait que ce projet évitera la rénovation indispensable des huit sites actuels, répartis dans le canton. Lors de la votation pour deux hôpitaux, les référendaires n’utilisaient pas l’argument qu’ils utilisent actuellement pour l’Hôtel judiciaire: «Une dette de plus est une dette de trop»! Le POP dit oui à ce projet mais sans plus d’émotion, car il s’agit aussi d’une concentration.

Supprimer les districts?

La réforme des institutions, également soumise au vote, comporte plusieurs éléments modifiant la Constitution. Le nombre de députés passera de 115 à 100, le quorum de 10% passera à 3% et les apparentements entre partis seront supprimés. La pièce maîtresse du projet consiste à supprimer les districts sous le prétexte de créer une unité cantonale. Le Conseil d’Etat, soutenu par les grands partis, une majorité de socialistes y compris, imagine qu’il suffira de supprimer les districts pour fondre tout un chacun dans le moule cantonal. Le POP combat cette vision qui ne prend pas en compte qu’à chaque décision éloignant la population de ses élus, l’intérêt du public envers la politique est susceptible de diminuer. Associé avec des personnalités provenant de tous les partis, excepté les Verts libéraux, et hors partis, les popistes disent non à cette mesure.

Enfin, les électrices et électeurs se prononceront sur le report de l’harmonisation de l’imposition des frontaliers. Le Conseil d’Etat prévoyait de revoir la répartition de la fiscalité des frontaliers, mais vu ses conséquences néfastes sur les communes qui reçoivent le plus de frontaliers, soit celles des montagnes essentiellement, le Grand conseil a décidé de repousser cette décision pour mieux en analyser les conséquences. Qui s’oppose à ce report? Les mêmes personnes du Bas qui en ont assez d’alimenter le pot intercommunal commun destiné à aider les communes les moins fortunées. Le POP soutient farouchement le report de cette décision et dira OUI.

Comme on le constate, ces trois objets touchent, de manières diverses, aux relations Haut Bas. Les résultats seront porteurs de calme ou de ­tempête.