La «plus effrontée» de Bruckner à la Cathédrale de Lausanne

Musique • Pour son premier concert de la saison, le Sinfonietta de Lausanne donne la 6e symphonie de Bruckner, peu jouée, la plus courte, la plus heureuse, la seule que le compositeur autrichien n’a jamais retouchée.

C’est Bruckner lui-même qui nommait sa sixième symphonie «la plus effrontée» (Die Keckste), très fier de ce qu’il considérait comme des audaces d’écriture mais qui nous apparaissent aujourd’hui simplement comme l’expression d’une plus grande spontanéité, plus intime et plus heureuse, que dans les autres symphonies du compositeur. Du reste c’est la seule qu’il n’a pas retouchée ou remaniée. Car Bruckner n’a cessé de douter de son génie, obsédé par le besoin de «se perfectionner», d’où les nombreux cours, concours, examens qu’il a cumulés, avant de devenir professeur lui-même. En fait, il était d’abord et resta toute sa vie un organiste unanimement admiré et sa musique est marquée par l’écriture et les grands plans de registration des œuvres pour orgue. Et par la pratique de l’improvisation.

Une symphonie peu connue
La 6e symphonie, peu jouée, est une symphonie heureuse en ce sens qu’elle a été écrite alors que Bruckner vivait une idylle qui sera, hélas pour lui, sans lendemain comme toutes ses autres rencontres amoureuses. Il faut dire qu’il fut desservi sa vie durant par son physique ingrat et des manières un peu gauches. Composée de quatre mouvements, cette symphonie échappe aux grandes visées théologiques et métaphysiques des huit autres qu’il a écrites. Elle n’en ouvre pas moins un monde par moment énigmatique, avec ses ambiguïtés, ses inquiétudes, ses contrastes.

Comme toujours dans Bruckner, la part des vents est importante donnant grandeur et force, ici sans grandiloquence, ou créant un motif, une couleur inattendus. L’Adagio est sans doute l’apogée de la symphonie; c’est là que se concentrent toute l’intensité, la beauté, le sens de l’œuvre. La 6e symphonie fut créée par Mahler, qui avait été un élève de Bruckner, en 1899 à Vienne, soit trois ans après la mort du compositeur. Elle sera donnée par le Sinfonietta à la Cathédrale de Lausanne sous la direction de David Reiland (que les Lausannois ont déjà entendu à la tête de cet orchestre dans la Vie Parisienne)

Un compositeur longtemps mal aimé
Rappelons que Bruckner est né en 1824, au sud de Linz, dans la campagne autrichienne, où son père était instituteur et musicien. A la mort de celui-ci, qu’il remplaçait parfois, dès l’âge de dix ans, à l’orgue paroissial, il entre dans l’internat de Sankt Florian, y devient un des petits chanteurs de la maîtrise, puis il obtient un diplôme d’instituteurs à l’Ecole Normale de Linz où en 1855 il est nommé organiste de la cathédrale. En 1861, il réussit brillamment l’examen de professeur de musique au Conservatoire de Vienne; il y enseignera dès 1868.

Pendant toutes ces années il compose, essentiellement des œuvres religieuses. Sous le coup de la découverte de Wagner, lequel du reste lui vouera une admiration fidèle, il se met à sa première symphonie. Il eut de la peine à imposer sa musique même dans son Autriche natale et dut attendre 1881 pour connaître son premier succès avec sa 4e symphonie. Il meurt en 1896 à Vienne.

Cathédrale de Lausanne, jeudi 28 septembre, 20h. Billetterie: 021 616 71 35 ou à l’entrée une heure avant le concert.