Lucia di Lammermoor de Donizetti, un opéra d’anthologie

Opéra • En ouverture de saison à Lausanne, un chef-d’œuvre du bel canto, modèle exemplaire de la tragédie musicale romantique dans une mise en scène de Stefano Poda.

L’opéra Lucia di Lammermoor est sans doute l’un des plus célèbres de Gaetano Donizetti qui en a écrit 71, outre 13 symphonies, d’innombrables pièces religieuses, des quatuors. Considéré comme le précurseur de Verdi, Donizetti ouvre la grande aire de l’opéra romantique italien. Enfant déjà, ce fils d’une famille pauvre de Bergame, né en 1797, montre d’indéniables talents musicaux. Sa carrière se déroule d’abord en Italie, puis il voyagera beaucoup, s’installera finalement à Paris pour revenir mourir en 1848 à Bergame après avoir sombré dans la folie, suite à une atteinte de syphilis.

L’archétype de l’opéra italien dramatique et passionné
Lucia di Lammermoor, c’est une histoire d’amour contrarié, de rivalité entre familles, de trahison, de folie et de mort, dans l’Ecosse du XVIe siècle. Lucia et Edgardo s’aiment en secret tandis que la haine sépare leurs clans. Le frère de Lucia force sa sœur, qu’il convainc d’une prétendue trahison de son amant, à un mariage qu’il a arrangé dans son intérêt à lui; Lucia tue le jour des noces ce mari qu’elle déteste, sombre dans la folie, revivant en rêve son bonheur passé, et meurt. Edgardo découvre la machination et se suicide de chagrin.

Créé à Naples en 1835, Lucia di Lammermoor illustre en quelque sorte tous les poncifs du genre opéra, qu’il élève à un niveau d’excellence, à part peut-être quelques passages orchestraux qui utilisent ici ou là des formules musicales un peu banales. L’écriture vocale atteint des sommets d’émotion et de virtuosité, avec des vocalises de la plus haute difficulté technique; le sextuor du final du premier acte, le dernier air de Lucia et celui d’Edgardo sont des moments d’anthologie.

Avec harpe et harmonica de verre
Sur la scène de l’Opéra de Lausanne, du 29 septembre au 8 octobre, on entendra la soprano Lenneke Ruiten qui incarnera pour la première fois de sa carrière le rôle-titre, Lucia. Prise de rôle aussi pour le ténor Airam Hernandez qui sera Edgardo. L’Orchestre de Chambre de Lausanne sera dans la fosse avec, à sa tête, celui qui fut son chef de 1990 à 2000, Jesús López Cobos.

La partie orchestrale, qui peut n’être que d’accompagnement quand elle soutient les voix, réserve des introductions aux différentes scènes très évocatrices et des couleurs sonores particulières: ainsi cette partie de harpe, inhabituelle, presqu’un concerto, dans la deuxième scène du premier acte au moment où apparaît Lucia, mais plus encore l’utilisation de l’harmonica de verre qui vibre en accordance avec le chant dans l’air de folie de Lucia, sans doute le passage le plus bouleversant et le plus original de l’opéra. Trop souvent remplacé par une flûte, ce qui ne sera pas le cas à Lausanne, l’harmonica de verre fascine par son timbre immatériel dû à la richesse des harmoniques. Cet instrument rare, perfectionné au 18e siècle par le père fondateur des Etats-Unis, Benjamin Franklin, se compose de 37 bols ou verres de tailles différentes accordés chromatiquement sur trois octaves. Après s’être mouillé les doigts on en frotte le bord pour émettre un son. Paganini parlait de «l’orgue des anges». Il fut interdit en Allemagne en 1835, accusé d’effets pervers et dangereux sur la santé. Il a été utilisé par Mozart, Beethoven, Gluck, le sera par Saint-Saens, Richard Strauss et des compositeurs contemporains.

Une mise en scène de Stefano Poda
La mise en scène de Lucia di Lammermoor est signée Stefano Poda, de même que les décors, les costumes et les lumières. «Je ne comprends pas, dit Poda, comment un metteur en scène peut créer dans un décor ou une lumière émanant d’autres sensibilités que la sienne»; c‘est lui déjà qui avait fait la mise en scène de Ariodante et de Faust à Lausanne. Dans une interview accordée à Philippe Banel pour Tutti-magazine, Poda explique: «Mon rôle consiste à suggérer au public une suite de sentiments qui échappent par leur essence au domaine de la raison ou aux développements de l’intelligence pour le faire accéder à l’émotion pure, celle qui trouve sa pleine justification dans la force évocatrice de la musique, et que l’image vient encore renforcer.»

Du 29 septembre au 8 octobre à l’opéra de Lausanne
www.opera-lausanne.ch