Les paysans peuvent-ils produire différemment?

Il faut le dire • D'aucuns veulent bannir le décrié herbicide glyphosate, commercialisé par Monsanto. Mais, pris dans une chaîne qu'ils ne contrôlent pas, les paysans peuvent-ils véritablement produire différemment?

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Il y a peu, je discutais avec l’un des quatre derniers paysans de ma commune. Comme il savait que ma jeune colistière POP avait lancé un postulat au Conseil communal pour bannir les pesticides, en particulier le glyphosate, nous avons abordé la question du traitement de ses cultures. Il m’a assuré que depuis 10 ans, il utilisait nettement moins de produits phytosanitaires et qu’il savait qu’il devrait s’en passer un jour.

Mais il m’expliquait aussi combien sa marge financière et de manœuvre en tant que producteur de céréales était mince. En effet, c’est la FENACO qui contrôle la filière. FENACO est active dans le domaine agricole avec en particulier Semences UFA, dans l’industrie alimentaire avec Ramseier, Sinalco ou les caves Garnier, dans le commerce de détail avec Landi ou Volg SA, ou encore le carburant avec AGROLA. Son chiffre d’affaires dépasse les 6 milliards de francs annuels.

Pour produire des céréales panifiables (plus rémunératrices que les fourragères), il faut respecter de nombreuses exigences: utiliser un type de semences défini vendu par FENACO et faire les traitements proposés et vendus par elle. Puis c’est encore aux Moulins appartenant à FENACO que la production est vendue, qui vérifie si le «cadre standard suisse prévu par la marque déposée par FENACO» est respecté et qui en conséquence accepte ou refuse de payer le prix fixé pour la farine panifiable.

Ce prix dépend par ailleurs aussi des marchés et une année comme 2017 où la production a été bonne, on dit qu’il y a excédent. En réalité, l’ensemble de la production suisse de blé panifiable aurait pu être absorbé dans le pays, mais il n’y a excédent que parce que les accords de l’OMC obligent la Suisse à importer 20% des besoins, soit au moins 70’000 tonnes… et c’est FENACO qui est le plus grand importateur, bénéficiant ainsi de prix poussés à la baisse.

Quant au producteur, même s’il a respecté toutes les consignes de FENACO et livré de la farine «Suisse Premium», une partie ne lui sera payée que comme farine fourragère, en raison de l’obligation d’importation fixée par l’OMC.
«Alors, concluait le paysan, votre postulat, ok ,mais ne jetez pas l’anathème sur les paysans en les faisant passer pour des pollueurs. Faites plutôt changer la politique de FENACO!»

A la fin de notre échange je me demandais pourquoi il votait encore PAI (donc UDC), tant je me retrouvais dans son explication!