Le chavisme fait mentir ses opposants

Venezuela • En dépit d’un climat défavorable, le Parti socialiste unifié de Maduro a conservé, lors des élections des gouverneurs, 17 régions, contre 5 pour l’opposition qui conteste sa défaite (Par Cathy Dos Santos, paru dans l’Humanité).

Par Cathy Dos Santos, paru dans l’Humanité

Douche froide pour les uns, succès inespéré pour les autres, les résultats des élections des gouverneurs, qui ont eu lieu le 15 octobre dernier, ont fait mentir tous les pronostics annoncés au Venezuela et au-delà. Trop tôt, certains avaient prédit au Parti socialiste unifié du Venezuela (Psuv) une défaite cuisante, convaincus qu’il payerait cher la terrible crise économique qui sévit depuis trois ans et les tensions politiques de ces derniers mois, qui ont fait 126 morts. Contre toute attente, la formation du président Nicolas Maduro a résisté. Elle est arrivée en tête dans 75% des régions, remportant ainsi 17 gouverneurs sur les 23 en lice, contre 20 lors des précédentes élections de 2012, l’Etat de Bolivar étant encore disputé, à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Les chavistes perdent certes deux Etats, mais on est loin du raz-de-marée qui octroyait à la coalition de partis de droite, la Mesa de unidad democratica (MUD), une victoire sans appel. La participation électorale de dimanche est en soi un camouflet politique pour les détracteurs des autorités, puisque 61,1% des inscrits sur les plus de 18 millions d’électeurs se sont déplacés aux urnes, contre 53,94% en 2012. Rappelons également que cette participation est supérieure de 10% à l’élection de l’Assemblée nationale constituante (ANC) du 30 juillet, et pourtant tant décriée par l’opposition et ses soutiens internationaux. Au final, le Psuv totalise 54% des suffrages exprimés, contre 45% pour la droite, les autres partis obtenant 1 % des votes.

Un revers très sévère pour la droite
«Le peuple a adressé la facture à la violence» fomentée par l’opposition, a réagi le député de la Constituante Diosdado Cabello. De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Jorge Arreaza, n’a pas hésité à rappeler qu’en dépit de «la guerre économique, des sanctions, le peuple a transformé les faits en énergie pour aller voter», en référence aux difficultés nationales et aux pressions internationales après les mesures de rétorsion prises par Washington, auxquelles devraient s’ajouter prochainement celles de l’UE, venant aggraver un contexte économique déjà dans le rouge. Ces ingérences n’ont pas eu l’effet escompté. Au contraire, elles semblent avoir contribué à resserrer les rangs du chavisme, où les débats sont pourtant nombreux quant au cap des transformations économiques et politiques à prendre.

La droite, de son côté, s’apprête à vivre des jours houleux, tant le revers électoral est sévère. Elle gagne certes deux Etats supplémentaires, mais après des années d’opposition frontale et un climat national et international pourtant favorable, elle rate ses objectifs. Elle se conforte dans les Etats frontaliers, à l’exception d’Anzoategui, là où le trafic des denrées alimentaires et de l’essence ainsi que la spéculation monétaire battent leur plein. Mais elle perd son bastion par excellence, à savoir l’État de Miranda. Ce dernier, composé de plusieurs municipalités de Caracas, était jusqu’alors détenu par Henrique Capriles, par deux fois candidat malheureux à la présidentielle et figure de proue de la MUD. Pis encore, c’est à Chacao que l’opposition avait posé son QG, faisant de ce district très chic de la capitale l’épicentre de sa violente contestation printanière. Ses résultats électoraux n’augurent rien de bon pour elle, qui a connu une scission il y a peu, la frange la plus extrémiste appelant au boycott des régionales afin de jeter le trouble sur la crédibilité du scrutin.

L’heure du bilan
Ce ressort consistant à ne pas reconnaître les élections est pourtant éculé. La transparence des processus électoraux – 20 depuis l’avènement du chavisme – a été reconnue par tous les observateurs internationaux, à commencer par l’ancien président étasunien Jimmy Carter. La droite a usé et abusé de cette carte. Aujourd’hui encore, elle a décidé de ne pas reconnaître les résultats du scrutin, mais sous quels prétextes? A chacune de ses défaites, elle accuse le Conseil national électoral de partialité. Sans apporter la moindre preuve. Lors de ses rares victoires, elle les empoche, mais en estimant avoir été lésée. Ce scénario écrit d’avance finit par lasser. Bon gré, mal gré, l’heure du bilan stratégique a sonné pour la MUD. C’est vrai également pour le Psuv, qui devra transformer l’essai électoral par des mesures concrètes et efficientes sur le plan économique, sous peine de voir ce regain électoral disparaître en fumée.