Le Conseil d’Etat veut faire payer les communes

Neuchâtel • Plutôt que de remettre en question sa politique de dumping fiscal, le Conseil d’Etat cherche à assainir ses finances auprès des communes. Les débats de décembre au Grand Conseil s’annoncent houleux.

Le Conseil d’Etat neuchâtelois vient d’adresser aux député-e-s un rapport dans lequel il propose diverses mesures pour assainir ses finances et qui devra être discuté au Grand Conseil au mois de décembre. Le résumé de ce rapport indique que la diminution brutale des revenus cantonaux appelle un effort d’assainissement «qui n’est plus contesté aujourd’hui». Par contre, ajoutons-nous, les mesures proposées seront combattues avec vigueur par celles et ceux qui veulent une société équilibrée se construisant par concertation plutôt que d’en haut. Les députés du POP au parlement cantonal ont en effet toujours mis en évidence que la baisse de la fiscalité sur les bénéfices des personnes morales allait aggraver les difficultés financières cantonales.

Les holdings au pilori
Au début de son rapport, le Conseil d’Etat évoque «des diminutions brutales» des revenus fiscaux, notamment ceux provenant des personnes morales. On croit rêver, puisque c’est lui-même qui a proposé la réduction de la fiscalité sur les bénéfices des entreprises en se vantant d’être à la pointe par rapport aux autres cantons en matière d’avantages pour l’économie. Aujourd’hui, on constate que les faits donnent raison aux popistes, même si cette position n’est pas reprise par les médias traditionnels.

La deuxième cause des difficultés financières du canton, selon le gouvernement, est la diminution des revenus de transfert provenant de la Confédération via la péréquation financière (RPT). Pour les popistes, cette réalité résulte de la baisse de l’impôt des holdings, qui a été diminué encore plus drastiquement que celui des personnes morales, baisse à laquelle le parti s’est également opposé de longue date. Pour rappel, la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) a été acceptée par une majorité de 64% le 28 novembre 2004. Depuis, un calcul compare la capacité financière des différents cantons et établit une répartition entre eux pour que les plus riches aident les plus pauvres par solidarité. Avec la défiscalisation des holdings, nombre d’entre elles ont rapatrié dans le canton des bénéfices réalisés ailleurs. Très peu taxés, ces bénéfices ne rapportent que peu au canton. En revanche, ils entrent dans le calcul de sa capacité financière et font ainsi baisser les revenus de la péréquation auxquels il a droit.

Malgré ces constats, le grand argentier du canton ne semble guère s’interroger sur ses mauvais choix et encore moins sur l’éventualité de les corriger. Le gouvernement continue, tête baissée, d’une part à assainir ses finances par des économies et d’autre part à rechercher de nouvelles ressources ailleurs, mais pas vers ceux qui possèdent de la fortune.

Désaccord des communes
Ainsi, son rapport vise cette fois les communes. Il propose une bascule d’impôt de celles-ci vers l’Etat de deux points pour 2018 et de 2 points supplémentaires en 2019 si aucun accord alternatif n’est trouvé avec elles. Il semble penser que celles-ci sont dans une meilleure situation financière que l’Etat. Si c’est sans doute le cas de certaines, c’est bien différent pour d’autres, mais cet élément n’est, pour le moment, pas pris en compte.

«Les propositions faites par l’Etat aux communes pour discuter d’une participation de leur part à certaines charges portées exclusivement par l’Etat n’ont pour l’heure pas reçu l’accueil souhaité», relève le rapport. Le Conseil d’Etat reconnaît donc que ses propositions ne font pas l’unanimité auprès des communes, mais il ne semble pas en tenir compte et tente, via son rapport, de faire passer sa vision en force. Il n’attend pas le résultat des discussions avec les communes, considérant que les propositions qu’elles ont faites jusqu’à aujourd’hui ne permettent pas d’envisager des améliorations significatives en termes de volumes financiers.

Dans ce nouvel épisode de discorde entre l’autoritarisme entêté de ce Conseil d’Etat, certains n’hésitent pas à prédire que la session de décembre du Grand conseil sera tumultueuse et nous ne leur donnons par tort.