Le dumping fiscal, angle mort de la lutte contre les paradis fiscaux

Fiscalité • La transparence fiscale a progressé ces dernières années même s’il reste des trous dans l’échange d’informations. Mais la concurrence fiscale entre Etats reste encore inattaquée (par Gaël de Santis, paru dans L’Humanité).

Par Gaël de Santis, paru dans l’Humanité

A entendre certains, les dirigeants ont bien travaillé. En juin dernier, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) exultait: il ne reste plus qu’un seul paradis fiscal dans le monde… Trinité-et-Tobago, un Etat insulaire des Caraïbes.

En fait, tout est question de définition. «Il est vrai que des progrès ont été réalisés», reconnaît John Christensen, directeur du Réseau pour la justice fiscale (Tax Justice Network »), joint par l’Humanité. Ainsi, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins économiques a produit une liste de trois critères à respecter, sous peine d’être inscrit sur une liste noire. Pour résumer, un Etat qui respecte le principe d’échange d’informations entre Etats n’est plus susceptible d’être inscrit sur la liste noire des paradis fiscaux, surnommée de manière euphémique, liste des «pays non coopératifs». Tout dépend donc de la manière dont on entend la notion «d’échange d’informations». Ainsi, si sur la liste de l’OCDE on ne compte qu’un seul paradis fiscal, celle française en recense neuf et celle de l’UE en dénombre 30.

Il «existe des trous» dans l’échange d’informations, alerte John Christensen. «Certains paradis fiscaux continuent de ne pas rendre publique la propriété des entreprises. De riches personnes placent leur fortune dans un trust, sans qu’il soit pour l’heure possible d’en connaître le bénéficiaire», explique-t-il. Certains Etats, comme la Suisse, sélectionnent les Etats avec lesquels ils partagent leurs données. Enfin, «il faut se poser la question de faire pression sur les avocats et les cabinets d’experts-comptables qui aident leurs clients à cacher leur identité».

En effet, les révélations produites par le Consortium international des journalistes dans ses Paradise papers portent davantage sur des montages légaux permettant d’amoindrir la facture fiscale que sur des activités frauduleuses.

A cela s’ajoute un impensé: le dumping. Certains des pays européens refusent ainsi que soient qualifiés de «paradis fiscaux» les Etats pratiquant un impôt sur les sociétés de 0%. «La concurrence fiscale est pourtant l’un des principaux défis posés aux démocraties», estime John Christensen, pour lequel «c’est le signe que le capitalisme dégrade toutes les protections mises en place depuis soixante ans».