Deux ans de perdus entre Paris et Bonn

Climat • Alors que la Cop 23 se tient en Allemagne, il faut constater que rien n’a été fait depuis deux ans et depuis que les Etats-Unis, second pollueur mondial après la Chine, se sont retirés du protocole de Paris (par Gérard Le Puill, paru dans L’Humanité).

Cette semaine, une dépêche de l’Agence France Presse (AFP) indiquait que «la capitale indienne New Delhi s’est réveillée dans un de ces asphyxiants brouillards polluants qui lui valent sa sinistre réputation de mégapole la plus polluée au monde. Au matin, les larges artères de la ville étaient voilées de gris. Les appartements ressemblaient à des fumoirs. Des petits commerçants de rue s’étaient noué un chiffon sur la bouche. A 8h locales, le compteur de particules fines de l’ambassade américaine affichait une concentration de particules fines d’environ 700. L’OMS recommande de ne pas dépasser 25».

Dans un article de la revue Progressiste N°16 qui vient de paraître, Pierre René Bauquis et Denis Babusiaux écrivent que les consommations indiennes de charbon «devraient croître d’environ 3,6% par an» dans les prochaines années, avec un recours accru aux importations. La courbe des émissions de CO2 n’est donc pas près de s’inverser en Inde, tandis que celles de la Chine augmenteront jusqu’en 2030. Une autre dépêche de l’AFP nous apprenait cette semaine que le typhon Damrey vient de faire 61 morts au Vietnam tandis que 20 personnes sont portées disparues non loin de la ville historique de Hoi An. Ce bilan eut été beaucoup plus lourd si les 30’000 personnes qui ont été évacuées avant la tempête étaient restées sur place.

Ce ne sont là que quelques exemples des multiples conséquences du réchauffement climatique. Sans préjuger de ce qu’il sortira de la Cop 23 à la fin de la semaine prochaine, il est déjà acquis que les émissions de gaz à effet de serre (GES), responsables du réchauffement climatique, n’ont cessé d’augmenter depuis la Cop 21 à Paris en 2015. Certes, un texte fut alors adopté. Il engageait les pays signataires à réduire leurs émissions de GES au point de les diviser par trois d’ici 2050, afin de contenir le réchauffement climatique sous la barre de +2°C d’ici 2100 par rapport à ce qu’était la température moyenne au milieu du XIXe siècle.

Nous cheminons déjà vers un point de non-retour
Toutefois, rien de sérieux n’a été entrepris depuis cette date, ni en France, ni ailleurs, pour tenter d’atteindre cet objectif commun. Cela nécessiterait les efforts de tous, à commencer par les pays développés et émergents, qui sont les plus gros émetteurs de CO2. Le climatologue Jean Jouzel affirmait récemment que «si rien n’est fait, au rythme actuel, nous sommes nombreux à penser que nous ne disposons plus que de vingt à vingt-cinq ans pour atteindre un point de non-retour». Nous cheminons déjà vers ce point de non-retour.

Selon les chiffres publiés le 30 octobre par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la concentration de CO2 atteignait 403,3 parties par million (PPM) en 2016 contre 400 PPM en 2015. On peut penser que 2017 se traduira par un nouveau record dans la mesure où, en plus de périodes de canicule, les incendies, les longues périodes de sécheresse et les cyclones dévastateurs qui se sont succédé cette année ont réduit le puits de carbone que constitue la végétation, tandis que la réparation des dégâts provoqués alourdira le bilan carbone du fait des reconstructions dans de nombreux pays au-delà de 2017. Voilà qui nous conduit encore plus vers le point de non-retour.

Depuis 1970, la courbe mondiale des émissions de GES est en hausse constante de 5% par décennie et devrait poursuivre ainsi jusqu’en 2030. Mais il faudrait qu’elle diminue davantage entre 2030 et 2050 pour contenir le réchauffement dans une progression de 2°C par rapport à la période préindustrielle. Alors que sort en salles en France le film Carbone, la taxe du même nom brandie comme une recette magique ne suffira pas pour freiner le réchauffement.