L’OMC continue à faire des ravages

Manif • La mobilisation s’organise à l’approche de la 11e conférence ministérielle de l’OMC qui doit se tenir à Buenos Aires du 10 au 13 décembre. Une manifestation est prévue à Genève ce samedi.

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Un «sommet des peuples» ainsi qu’une semaine d’action globale internationale se dérouleront en parallèle de la réunion de l’OMC. «Des chefs d’entreprise, des ministres, des chanceliers et même des présidents seront à Buenos Aires. Pour quoi faire? Pour exiger plus de ‘liberté’ pour leurs entreprises, plus de ‘facilité’ pour exploiter les travailleurs, les paysans, les indigènes, les terres et les territoires. En d’autres termes, moins de ‘freins’ au pillage des multinationales», dénonce la Via Campesina, qui appelle «les mouvements sociaux et les organisations de la société civile de la planète à se mobiliser et à coordonner leurs résistances». Et de critiquer plus largement: «Depuis ses débuts en 1995, l’OMC a favorisé le capitalisme dans sa forme la plus brutale», en encourageant la libéralisation des marchés nationaux et la multiplication des accords de libre-échange entre les pays et les blocs régionaux.

La Suisse pas épargnée
A Genève, une manifestation est prévue samedi à l’appel des partis de gauche et de plusieurs associations et syndicats. C’est que la Suisse n’est pas épargnée par l’influence de l’idéologie de l’OMC. Le monde paysan est même en plein dedans suite à l’annonce récente par le Conseil fédéral de sa volonté de réduire les protections douanières sur les produits agricoles, ceci malgré un soutien au principe de sécurité alimentaire voté par 78% des suisses quelques semaines plus tôt.

Rudi Berli, représentant du syndicat paysan Uniterre, qui appelle à manifester, rappelle en outre que la Confédération a commencé des négociations de libre-échange avec le MERCOSUR (Marché commun d’Amérique Latine), qui compte plusieurs «poids lourds» de l’agro-industrie, comme le Brésil ou l’Argentine. «Ces accords auraient des conséquences dramatiques pour la production alimentaire suisse. L’agriculture serait mise sous forte pression, mais aussi l’ensemble de la chaîne alimentaire, qui compte les boulangers, bouchers, ou la restauration, et représente une part importante de l’économie du pays. A l’heure actuelle déjà, trois fermes disparaissent chaque jour!», s’exclame le militant.

Celui-ci dénonce aussi l’accord en cours de négociation avec la Malaisie, qui permettrait l’importation d’huile de palme, mettant en danger la production indigène d’huile de colza ou de tournesol, ceci alors que la palme a un impact négatif sur l’environnement et les populations rurales des pays où elle est produite. «Il faut sortir de cette logique de mise en concurrence pour privilégier les circuits courts», estime Rudi Berli. Du côté de solidaritéS, qui appelle également à manifester, Thibault Schneeberger renchérit: «L’idée de faire voyager des oignons depuis la Nouvelle-Zélande en Europe est une aberration dans un monde marqué par le réchauffement climatique».

«Faire revenir l’OMC sous le feu des projecteurs»
D’une façon plus générale, le militant considère qu’ «il est important de faire revenir l’OMC sous le feu des projecteurs. Ces dernières années, elle est passée plus inaperçue alors que son rôle est nocif. C’est par exemple sous sa pression que l’Inde a dû renoncer en 2016 à un projet de développement des énergies renouvelables», rappelle-t-il. La décision avait été prise par l’organisme de règlement des différends de l’OMC sous prétexte que le projet indien était trop favorable aux entreprises locales au détriment des entreprises étrangère et donc «non-conforme aux règles du commerce international». Elle faisait suite à une plainte des Etats-Unis, contrariés par l’obstacle que représentait la décision indienne à l’exportation de matériel photovoltaïque américain sur le marché indien.

Nombre d’accords de libre-échange en discussion, comme le TISA, prévoient ce type de mécanisme de règlement des différends. Gerard Scheller, représentant d’Attac, organisation qui appelle aussi à manifester samedi, rappelle en outre qu’ils permettent souvent aussi aux entreprises d’attaquer les Etats. Et de donner l’exemple de la multinationale Veolia, qui a attaqué l’Egypte lorsque celle-ci a augmenté le salaire minimum. «Un déni démocratique», s’insurgent les militants.

«La mobilisation contre ces traités donne de l’espoir», relève tout de même Gérard Scheller. Et de conclure: «Le traité TAFTA/TTIP (entre l’UE et les Etats-Unis, ndlr) a été mis en échec en grande partie grâce à la mobilisation populaire, partie de la base. C’est la démonstration que les manifestations et mobilisations fonctionnent, c’est pourquoi il est plus qu’indispensable d’être nombreux·euses ce samedi à la manifestation!»

A noter que sur place, le gouvernement argentin semble peu disposé à faire place à la critique. Il y a quelques jours, il a ainsi révoqué l’accréditation de 63 représentants de la société civile qui devaient participer à la Conférence. Une décision qualifiée de «sans précédent» par de nombreuses ONG, qui l’ont dénoncée à travers le monde.

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Manifestation contre l’OMC et pour la souveraineté alimentaire.
Samedi 9 décembre à 14h, place de la Navigation, Genève.