Les Palestiniens se mobilisent face au mépris de Trump

Proche-Orient • La reconnaissance de Jérusalem par les Etats-Unis comme capitale d’Israël est un déni du droit international, une humiliation de plus pour les Palestiniens et une confessionnalisation du conflit (par Pierre Barbancey, paru dans L’Humanité, adapté par la rédaction).

Article original paru dans l’Humanité

L’annonce par Donald Trump de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël est un véritable coup de tonnerre dans un ciel moyen-oriental déjà bien chargé. Ses conséquences sont incommensurables et seront perceptibles bien au-delà de la région. La planète entière va subir les secousses de ce séisme géopolitique. Trump le savait, il l’a fait quand même. Il sait que le statut de Jérusalem n’est pas seulement délicat. Il est l’objet d’un statu quo depuis des décennies et toute évolution ne peut se faire qu’au travers de négociations impliquant et les Israéliens et les Palestiniens.

Les Palestiniens savent que les pressions vont s’exercer sur eux

La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël à ce moment précis ne doit rien au hasard. Elle intervient au moment où le chef des négociations américaines, son gendre, Jared Kushner, et son envoyé spécial au Proche-Orient, Jason Greenblatt, ont mis la dernière main à ce que la Maison-Blanche appelle «le plan ultime», censé régler une fois pour toutes le conflit israélo-palestinien. Dans ce plan, Jérusalem est la capitale d’Israël, pas de l’Etat de Palestine, les colonies sont, pour l’essentiel, maintenues et annexées à Israël et ce qui reste de la Cisjordanie sous contrôle palestinien ne possédera aucun lien physique avec la bande de Gaza.

Alors, quand Trump affirme que «les Etats-Unis restent déterminés à aider à faciliter un accord de paix acceptable pour les deux parties» et qu’ils soutiendraient une «solution à deux Etats», si les deux parties «se mettaient d’accord» sur cette question, les Palestiniens sont en droit d’en douter. Ils savent que les pressions de tout ordre vont maintenant s’exercer sur eux, pour, une fois de plus, composer avec la situation nouvellement créée. D’autant plus que le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’est évidemment félicité de la décision américaine en parlant d’«un jour historique». Lui qui a toujours refusé de discuter de Jérusalem dans le cadre de négociations, se sent maintenant légitimé dans son attitude.

Pour le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, l’annonce de Donald Trump «ne changera rien à la situation de la ville de Jérusalem, la capitale éternelle de l’Etat de Palestine». Il a insisté, devant les caméras de la télévision palestinienne: «Par ces décisions déplorables, les Etats-Unis sapent délibérément tous les efforts de paix et proclament qu’ils abandonnent le rôle de sponsor du processus de paix qu’ils ont joué au cours des dernières décennies.» Le secrétaire général de l’OLP, Saeb Erekat, est allé plus loin en déclarant que «malheureusement le président Trump vient tout juste de détruire la perspective de deux Etats». De son côté, le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, dans un discours prononcé depuis la bande de Gaza, a affirmé: «On ne peut faire face à la politique sioniste soutenue par les Etats-Unis qu’en lançant une nouvelle Intifada.» Le président américain pouvait-il attendre une autre réaction? En guise de réponse, l’armée israélienne a annoncé le déploiement de bataillons supplémentaires en Cisjordanie.

Un ennemi commun: l’Iran
Hormis Israël, personne ne se félicite de ce qui apparaît comme une volonté délibérée de mettre les Palestiniens à genoux, d’humilier le monde arabe et plus encore le monde musulman. Car, ce faisant, le président américain transforme la lutte des peuples pour la reconnaissance de leurs droits fondamentaux, notamment celui d’avoir un Etat, en une confrontation à caractère religieux, qui risque d’être des plus violentes. Mais n’est-ce pas ce que recherchent les Etats-Unis et Israël? Car le plan machiavélique de Donald Trump ne s’arrête pas à Jérusalem. Ce n’est qu’une étape en vue d’un remodelage de l’ensemble du Moyen-Orient, où de nouvelles alliances se noueraient entre d’une part de nombreux pays arabes, à commencer par l’Arabie saoudite et les pays du Golfe, et Israël d’autre part. L’ennemi commun qui les rassemblerait: l’Iran.

Le calcul est dangereux pour la paix de la région et même celle du monde. En «confessionnalisant» le conflit israélo-palestinien, Trump et consorts vont renforcer à la fois les groupes islamistes dans le monde musulman et, en Israël, les orthodoxes juifs, l’extrême droite et les colons, qui dominent déjà très largement le gouvernement de Benyamin Netanyahou.

Quant aux dirigeants arabes, d’accord avec le «plan ultime» américain, ils pourraient très vite se trouver en porte-à-faux avec leurs propres peuples. Confessionnaliser, c’est empêcher toute discussion parce que la rationalité est écartée, c’est dresser les religions les unes contre les autres alors que la lutte des Palestiniens concerne les droits d’un peuple, quelle que soit la religion. C’est également abonder dans le sens de Netanyahou, qui veut qu’Israël soit reconnu comme Etat juif, aux dépens des populations qui y vivent.

Comment contrecarrer un projet funeste
Quelle conduite à tenir collectivement? C’est évidemment la question principale qui se pose puisque pratiquement tous les pays européens sont sur la même longueur d’onde. La situation, qui pourrait devenir explosive, nécessite des décisions fortes et rapides pour contrecarrer ces funestes projets. Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est déjà réuni réunit le 8 décembre, soulignant que la décision de Trump sur Jérusalem «n’est pas conforme aux résolutions du Conseil de sécurité». Le statut de Jérusalem ne peut être résolu que par une «négociation directe» entre Israéliens et Palestiniens, a insisté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en rappelant avoir toujours été «contre toute mesure unilatérale». Il a ajouté: «Il n’y a pas d’alternative à la solution de deux Etats», avec «Jérusalem comme capitale d’Israël et de la Palestine».