Jean-Marie Straub évoque l’histoire politique du Léman

Cinéma • Avec son dernier film «Gens du Lac», présenté récemment à la Cinémathèque, le cinéaste Jean-Marie Straub revient notamment sur la gauche au pouvoir à Nyon et à Lausanne en 1945.

Jean-Marie Straub et Freddy Buache à la Cinémathèque lors de la présentation d’Antigone en 1993.

Devenu Rollois, le cinéaste français Jean-Marie Straub a fêté le 8 janvier dernier son 85e anniversaire avec la projection de quelques-uns de ses films dont le dernier, inédit à ce jour, Gens du lac, d’après un livre de Janine Massard paru en 2013. Evocation du métier et du travail des pêcheurs du Léman vaudois, des échanges aussi entre les deux rives et, dans les circonstances particulières de la Deuxième Guerre mondiale et de l’occupation de la France par les nazis, la solidarité avec la Résistance savoyarde, le passage de fugitifs et notamment de juifs échappant aux rafles.

Echos des drames, moins lacustres que maritimes, des migrants fuyant de nos jours la guerre et la misère au Proche Orient, le narrateur parle aussi des restes que les filets ramenaient parfois avec les poissons, indices de noyades dont on ne savait rien. Puis il évoque les élections de 1941 et celles de l’immédiat après-guerre à Rolle où, coup de tonnerre, le parti radical vaudois se voit détrôné par une liste indépendante puis de gauche, tandis qu’une majorité popiste accède au pouvoir à Nyon et qu’à Lausanne le Bloc des gauches (POP et PS) obtient plus de 70% des sièges.

La photogénie du Léman
Le film est constitué de quelques plans seulement sur une barque à proximité de la côte rolloise. Paisible grandeur des éléments, du ciel, des montagnes au loin, des arbres de l’île où repose de Frédéric César de La Harpe, paisible diction du narrateur au balancement doux de la houle. Ce film apporte une nouvelle vision sur un paysage qu’a déjà filmé plus d’une fois l’autre Rollois d’adoption, Jean-Luc Godard, sous un jour plus tumultueux. La Cinémathèque pourrait à l’occasion consacrer un programme à la photogénie du lac Léman, sans attendre le dernier film de Delon: de la Vocation d’André Carrel (Jean Choux) à Lettre à Freddy Buache (Godard), de La Pomme (Michel Soutter) ou Seuls (Francis Reusser) à À la recherche du lieu de ma naissance (Boris Lehman) et à commencer par Max entre deux feux avec Max Linder en 1917.

Des films hommages à consulter
En outre la Cinémathèque suisse a présenté deux autres films de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet: Machorka-Muff (court film réalisé en 1962 d’après une nouvelle de Heinrich Böll, charge contre le militarisme allemand de la RFA et les tentations de certains généraux) et Toute révolution est un coup de dés (mise en scène de 1977 au Père Lachaise, non loin du Mur des Fédérés, du poème de Stéphane Mallarmé, «Un coup de dés jamais n’abolira le hasard»).

Le site internet de la Cinémathèque accueille une quinzaine de petits films réalisés par d’autres cinéastes en hommage à Straub ainsi que des documents sur et avec lui et Danièle Huillet, sa compagne disparue il y a plusieurs années. On peut les consulter en attendant que Gens du lac ne soit diffusé dans les salles et les festivals.