L’absence de budget affecte les plus faibles

Neuchâtel • Les premiers effets de l’absence de budget se font sentir. Des contrats d’insertion socioprofessionnelle gérés par le Centre social protestant n’ont pas été reconduits, provoquant le désarroi de leurs organisateurs et des bénéficiaires.

Lors des débats du Grand Conseil en décembre dernier, aucun accord n’a été trouvé sur un budget 2018.

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L’Etat de Neuchâtel n’a pas reçu cette année son habituel cadeau de Noël. Les libéraux et les socialistes ne sont pas parvenus, au dernier moment, à se mettre d’accord sur un budget pour 2018. Dès lors, le canton aborde cette nouvelle année sans budget. Dans cette situation, l’Etat «n’engagera que les dépenses absolument nécessaires, il ne soutiendra pas de nouveaux projets et ne recrutera pas de nouveaux collaborateurs», avertissait le ministre des Finances Laurent Kurth dans Le Temps le 21 décembre dernier.

Menace sur certains contrats de prestations

Le flou sur l’avenir de certains programmes visant l’insertion de personnes socialement fragilisées a en particulier fait grand bruit récemment dans le canton, ceci alors que l’aide sociale a déjà fait l’objet de nombreuses coupes. «Dans une lettre aux institutions parapubliques, le Conseil d’Etat laisse planer le doute sur la dénonciation de certains contrats de prestations», révélait ainsi l’Express/ l’Impartial dans son édition du 5 janvier.

Conséquence de cette incertitude, le Centre social protestant (CSP) annonçait qu’«une quinzaine de personnes en réinsertion ne devraient pas voir leur contrat d’insertion socioprofessionnelle (ISP) reconduit» en ce mois de janvier. Les responsables de l’institution La Joliette, dans le Val-de-Ruz, gérée par le CSP, sont particulièrement choqués par cette mesure. «On devra renvoyer des gens chez eux», ce qui les mettra «dans une situation d’échec», explique Jean-François Moser, responsable du programme d’insertion à La Joliette, interrogé par Arcinfo.

«On casse tout un processus patiemment construit». Interrompre un processus d’insertion «peut avoir des conséquences désastreuses» pour l’intéressé, renchérit Pierre Borer, directeur du CSP, dans le même article. Le 13 janvier, sous le titre «La colère monte chez les exclus de la réinsertion sociale», la presse neuchâteloise revenait encore sur le sujet, donnant cette fois la parole à des personnes directement concernées. «C’est la goutte qui fait déborder le vase», expriment-ils, manifestant leur ras-le-bol. Certains ont ainsi fait parvenir une lettre ouverte aux autorités du canton (Grand Conseil et Conseil d’Etat).

Résoudre le problème de fond
Au-delà de cette situation précise, il s’agit de replacer ces événements dans un contexte. Les grands partis sont tous obsédés par l’équilibre financier du canton, mais aucun n’ose poser le problème de base, qui s’amplifie partout sur la planète, à savoir l’enrichissement constant des plus riches au détriment des plus pauvres.

Dans un petit livret édité par les éditions Quart Monde, l’association ATD Quart Monde publie quelques extraits du «discours sur la misère» de Victor Hugo, prononcé devant l’Assemblée législative française le 9 juillet 1849. Les propos tenus à l’époque semblent toujours d’actualité.

«Messieurs, comme je vous le disais tout à l’heure, vous venez, avec le concours de la garde nationale de l’armée et de toutes les forces vives du pays, vous venez de raffermir l’Etat ébranlé encore une fois. Vous n’avez hésité devant aucun devoir. Vous avez sauvé la société régulière, le gouvernement légal, les institutions, la paix publique, la civilisation même. Vous avez fait une chose considérable… Eh bien! vous n’avez rien fait! Vous n‘avez rien fait! J’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermit n’a point pour base l’ordre moral consolidé! Vous n’avez rien fait tant que le peuple souffre! Vous n’avez rien fait tant qu’il y a au-dessous de vous une partie du peuple qui désespère! Vous n’avez rien fait, tant que ceux qui sont dans la force de l’âge et qui travaillent peuvent être sans pain! (…) Messieurs songez-y, c’est l’anarchie qui ouvre les abîmes, mais c’est la misère qui les creuse. Vous avez fait des lois contre l’anarchie, faites maintenant des lois contre la misère!»