Les frontaliers déjà en débat il y a 45 ans

Neuchâtel • En 1972, la question des frontaliers préoccupait déjà à Neuchâtel. Mais comment aborder le problème sans dresser les travailleurs les uns contre les autres? s’interrogeait la «Voix Ouvrière», ancêtre de «Gauchebdo».

Frontaliers, pendulaires et migrants représentent diverses formes de déplacements humains ayant pour origine la recherche d’une amélioration des conditions de vie de la part des citoyens. Et les questionnements sur les conséquences de ce phénomène, qui touche de près les habitants des régions concernées, ne sont pas nouveaux. Ainsi, dans un numéro de 1972, la Voix Ouvrière (ancêtre de Gauchebdo) titrait déjà: «Faut-il limiter la venue de nouveaux travailleurs frontaliers?». Fred. Blaser, l’infatigable timonier popiste de la section du Locle du POP neuchâtelois, y constatait qu’à la Chaux-de-Fonds, le nombre d’emplois s’était réduit d’environ 500 et qu’au Locle la situation devait être dans le même ordre. Blaser attribuait cette évolution à l’augmentation de la productivité, à la rationalisation des moyens de production et à la disparition des petites entreprises.

En 1971, le nombre de frontaliers avait légèrement augmenté ainsi que celui des ouvriers étrangers. Le nombre de travailleurs suisses était en revanche en régression. Il estimait que cette situation n’était pas étrangère à la question des salaires mais ajoutait que «pour les deux villes des montagnes, ces tendances sont préoccupantes par l’incertitude qu’elles montrent quant à l’emploi (…)». Le popiste constatait encore que «les employeurs ont tendance, quand le besoin s’en fait sentir, à remplacer les partants par des frontaliers qu’ils pourront peut-être moins payer puisqu’ils y gagnent au change».Il soulignait enfin que, leur venue n’étant pas limitée, cette tendance encourageait une évolution qui finalement ne profitait pas aux villes concernées et encore moins aux travailleurs résidents. Prudent, il concluait toutefois qu’il ne s’agissait pas de «dresser des travailleurs contre d‘autres travailleurs au profit du capitalisme qui demeure l’adversaire de classe. Il s’agit d’éviter que des pays exportent, (…) leur propre crise pour mieux surmonter les contradictions qui les agitent».

Quelles solutions à long terme?
Aujourd’hui, la situation de base ne semble guère différente. Le nombre de frontaliers suit les besoins de l’économie. La fluctuation des pendulaires ne fait que suivre la fluctuation des intérêts économiques. Face à ce problème, les solutions proposées ne s’attaquent en général qu’aux effets. Ainsi, au Locle, pour éviter l’encombrement de la ville aux heures de pointe, il est prévu un tunnel d’évitement de la ville. Plus largement, il est demandé aux entreprises qu’elles engagent du personnel résident. Ces différentes mesures amélioreront certes la situation à court terme et cela est compréhensible. Par contre, si on veut résoudre réellement les choses, il sera nécessaire d’agir sur le long terme, notamment en changeant la conception actuelle de l’économie pour la mettre au service du bien-être de la population et non au-dessus.

Ces constatations amères illustrent de manière magistrale les propos d’Einstein: «La stupidité c’est de continuer de faire la même chose et d’attendre des résultats différents».