Une assurance moins chère que prévu

Vaud • Le Conseil d’Etat a précisé les contours de l’éventuelle future assurance dentaire. Son coût serait moins élevé que les chiffres
circulant jusqu’alors, ce qui coupe l’herbe sous les pieds de la droite. Celle-ci s’obstine toutefois dans son dogmatisme.

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Le 4 mars, les Vaudois devront se prononcer sur l’inscription du principe d’une assurance remboursant les soins dentaires dans leur Constitution. Les détails de la mise en œuvre devront cependant être élaborés ultérieurement dans une loi, en cas de oui, ce qui laisse bien des aspects dans le flou. Cette situation a mené partisans et opposants à argumenter sur la base de nombreuses hypothèses, laissant la place à toutes sortes d’instrumentalisations.

Répondant à plusieurs interpellations demandant des clarifications sur le sujet, le Conseil d’Etat a rendu publics la semaine dernière les contours plus précis de l’éventuelle future assurance, soulignant toutefois qu’il «ne peut que proposer quelques hypothèses générales de travail pour le projet de loi qui serait présenté, cas échéant, au Grand Conseil» et qu’à l’heure actuelle «ni les initiant-e-s ni les opposant-e-s ne sont en mesure de connaître le résultat de la loi sur l’assurance dentaire qui ressortira des travaux du Grand Conseil».

Entre 15 et 20 francs par mois
Tout d’abord, le Conseil d’Etat évalue à 239 millions de francs le coût total de l’assurance, soit moins que les 330 millions environ articulés jusqu’ici dans la campagne. Sur ces 239 millions, 30 seraient à la charge de l’Etat, montant qui équivaut à ce qu’il paie déjà actuellement via les différents régimes sociaux comme l’aide sociale. Le reste serait couvert par une cotisation paritaire de 0,35% pour les employés et 0,35% pour les employeurs, soit moins que les 0,5% envisagés par les initiants. «L’employé verserait ainsi une cotisation mensuelle de 20,75 francs pour un salaire mensuel de 5’930 francs (salaire brut médian)», relève le Conseil d’Etat.

Selon l’interprétation de la droite, qui combat férocement le projet notamment en agitant l’épouvantail d’une facture trop élevée à la charge de l’Etat, le texte de l’initiative laisse toutefois envisager que l’assurance des personnes retraitées devra être payée par l’Etat plutôt que par les cotisations paritaires. Le Grand Conseil devra se déterminer sur cette interprétation. Mais dans ce cas, le montant à la charge de l’Etat serait de 30 millions de plus qu’actuellement, soit 60 millions au total, estime le Conseil d’Etat. On est loin des «plus de 100 millions» brandis par les opposants. Ce montant supplémentaire pourrait du reste être partiellement comblé en reprenant l’idée de taxe sur les boissons sucrées proposée par le Conseil d’Etat dans son contre-projet de 2017, suggère l’exécutif. Enfin, dans ce cas de figure, la cotisation serait revue à la baisse et se situerait entre 0.25 et 0.3% pour chacune des parties, soit 15 francs par mois pour un salaire mensuel de 5’930 francs.

En ce qui concerne la mise en place d’un réseau de policliniques pour améliorer et uniformiser la prévention et les soins, également prévue par l’initiative, «le scénario privilégié pourrait consister à développer un partenariat-public-privé (PPP) avec le réseau de policliniques dentaires et/ou les cabinets et cliniques dentaires privés déjà existants», détaille encore le Conseil d’Etat. Aucun frais supplémentaire ne serait donc à prévoir sur ce point.

Un outil raisonnable
Les initiants ont rapidement salué les éclaircissements apportés par l’exécutif, insistant notamment sur des coûts pour l’Etat «nettement moins élevés que les chiffres hasardeux des opposants». Ces estimations démontrent par ailleurs «que l’initiative est un outil raisonnable pour améliorer la santé bucco-dentaire de toutes et tous. Les chiffres avancés par le Conseil d’Etat sont limpides: le coût est de 15 à 20 francs par mois pour un-e employé-e au salaire médian! Et ceci pour une couverture large des soins dentaires», ont-ils ajouté.

La question de savoir quelles prestations exactement seront remboursées fait en effet elle aussi l’objet de vifs débats depuis le début de la campagne, la droite affirmant que seuls peu de soins seront pris en charge. A ce sujet, le Conseil d’Etat propose d’utiliser le référentiel cantonal qui s’applique actuellement à la prise en charge des frais dentaires dans le cadre des régimes sociaux cantonaux (RI, PC AVS/AI, PC familles, etc.). Les soins d’orthodontie pourront également être couverts pour les personnes de moins de 18 ans, «dans les limites régissant la prise en charge actuelle dans le cadre des régimes sociaux cantonaux», précise l’exécutif.

Une franchise dans certains cas
Afin «d’introduire une part de responsabilité individuelle adéquate», le Conseil d’Etat propose finalement une franchise fixe de 100 francs par année pour les mineurs et de 300 francs par année pour les adultes. Un examen bucco-dentaire et un détartrage par année seraient toutefois pris en charge sans aucune franchise.

La diffusion de ces informations n’a de loin pas déstabilisé la droite, qui, soutenue par une majorité de dentistes, continue avec aplomb et sans grande préoccupation apparente pour la santé des citoyens à déclarer que l’assurance est trop chère, qu’elle ne prendra pas en charge tous les soins, ou encore à dénoncer «jusqu’à 800 francs de franchise pour une famille de 4 personnes», occultant soigneusement que les contrôles et détartrages réguliers ne seraient, eux, pas soumis à franchise. Pour rappel, elle a démontré depuis le début des travaux parlementaires sur le sujet qu’elle s’oppose dogmatiquement à toute amélioration du système actuel. Elle avait en effet rejeté le contre-projet du Conseil d’Etat, qui proposait des aides ciblées plutôt qu’une assurance générale.