Un canton qui dégringole socialement

Neuchâtel • Les coupes se multiplient à Neuchâtel, provoquant la réprobation grandissante de la population. Les racines du problème ne sont toutefois que peu évoquées.

Socialement parlant, le Conseil d’Etat poursuit sa descente aux enfers. Sa dernière trouvaille consiste à réduire de 10 francs le salaire mensuel de ses apprentis, qui oscille entre 650 et 1640 francs selon l’année. La mesure a soulevé la réprobation générale. Mais si cette décision choque, les réactions de l’exécutif sont encore plus surprenantes. D’après Arcinfo, «au château, l’avalanche de critiques a créé la surprise (…) Alain Ribaux, chef du département de la justice (sic) et ministre de tutelle des Ressources humaines, tombe des nues». Le Conseiller d’Etat explique que l’Etat a l’intention d’augmenter le nombre de ses apprentis et qu’il faut que cette décision soit autofinancée. Il juge que la baisse des revenus des actuels apprentis est «anecdotique». Et d’expliquer que cette mesure permettra de réaliser une économie d’environ 20’000 francs, somme qui sera complétée par des économies de 10’000 francs dans les ressources humaines et un prélèvement de 30’000 francs dans un fonds de formation professionnel.

Le train de vie de l’Etat sous pression
Mais d’où provient cette situation? Pour favoriser les plus riches, le PLR et l’UDC décuplent leurs efforts pour réduire le train de vie de l’Etat, sans toutefois préciser où il faut couper. Ils laissent cela aux bons soins du Conseil d’Etat. Le principe du frein aux dépenses est né de cette logique, soutenue par les socialistes et une loi acceptée par une majorité des votants. Le budget 2018 a été refusé par tous les partis de droite car il ne respectait pas ce frein aux dépenses. Et aujourd’hui, l’absence de budget provoque des effets dommageables dans le canton.
Du côté social, les coupes se succèdent. Celle de la réduction des salaires des apprentis choque les députés popistes, qui envisagent de proposer, par solidarité, une mesure de même nature sur les salaires des fonctionnaires dont le revenu dépasse les 10’000 francs par mois, membres du Conseil d’Etat y compris. Devant la réprobation que cette proposition suscitera vraisemblablement au sein du parlement et du Conseil d’Etat, on pourra toujours la présenter comme «anecdotique»!

Réduire plutôt que mieux répartir

Ces faits révèlent un monde politique bien éloigné de la réalité que vit une partie grandissante de citoyennes et de citoyens. Et à part la gauche radicale, aucun parti ne semble disposé à aborder les causes des difficultés financières de l’Etat. L’équilibre financier est obstinément recherché à travers des réductions de tâches plutôt que par une meilleure répartition des richesses.

De leur côté, les libéraux-radicaux, qui défendent les plus riches du canton contre la majorité des autres, viennent de lancer un référendum pour s’opposer à une légère augmentation des impôts des personnes physiques votée par le Grand Conseil. En réalité, il s’agit d’un retour à la situation d’avant 2017, année à partir de laquelle les impôts avaient été légèrement baissés. Ce changement profitait cependant avant tout aux salaires supérieurs à 80’000 francs annuels.

Cette politique tend à accroître les inégalités et, à terme, ne peut rien apporter de bon. Même le Département fédéral des Finances relevait dans une étude parue fin 2011 qu’il y avait «peu de richesse pour beaucoup et beaucoup de richesse pour peu». De quoi faire réfléchir.