Violences sexuelles, même les ONG!

La chronique féminisite • Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire dans ces colonnes, il n’y a pas que les prédateurs sexuels qui sévissent dans le monde, comme DSK, Weinstein et autres, mais des hommes de tous les milieux. Il suffit que certains aient un peu de pouvoir pour se croire tout permis, au-dessus des lois, et considérer les femmes comme des objets à leur disposition. Le problème est universel. Mais j’avais occulté les ONG, parce que, dans l’imagerie populaire, leurs membres font le bien, par définition, dans des régions en crise où ils apportent du secours, de la nourriture, des tentes, des vêtements, des médicaments, des soins...

Comme j’ai eu l’occasion de l’écrire dans ces colonnes, il n’y a pas que les prédateurs sexuels qui sévissent dans le monde, comme DSK, Weinstein et autres, mais des hommes de tous les milieux. Il suffit que certains aient un peu de pouvoir pour se croire tout permis, au-dessus des lois, et considérer les femmes comme des objets à leur disposition. Le problème est universel. Mais j’avais occulté les ONG, parce que, dans l’imagerie populaire, leurs membres font le bien, par définition, dans des régions en crise où ils apportent du secours, de la nourriture, des tentes, des vêtements, des médicaments, des soins.

Certes, comme bien d’autres donateurs, j’avais été scandalisée, il y a longtemps, en apprenant que l’argent récolté dans toute l’Europe pour sauver Venise avait été détourné par le gouvernement italien.
J’avais été écœurée par l’affaire Jacques Crozemarie et l’ARC (Association pour la recherche sur le cancer), qu’il avait fondée en 1962 et dirigeait. Il apparaissait souvent à la télévision en se faisant passer pour un médecin. Un rapport de la Cour des comptes française, publié en 1993, affirmait que 27% seulement des sommes collectées étaient attribuées à la recherche, Crozemarie en détournant une grande partie à son profit: piscine, voitures, domestiques, etc. Il démissionna le 18 janvier 1996 et fut condamné à 4 ans de prison ferme, 2,5 millions de francs d’amende et 200 millions de francs de dommages et intérêts à verser à l’ARC.

D’autres scandales éclaboussaient des associations. On se souvient de «L’Arche de Zoé», en 2007, qui avait obtenu plusieurs milliers d’euros auprès de dizaines de personnes auxquelles était promise l’adoption d’un orphelin du Darfour, province déchirée par la guerre. En fait, les enfants n’étaient pas orphelins, et les pansements qu’ils portaient étaient fictifs.

Haïti subit un séisme de magnitude 7,3 le 12 janvier 2010 (200’000 morts, 300’000 blessés, 1,2 million de sans-abri), l’argent et les ONG affluent… Seul un cent par dollar parvenait au gouvernement haïtien, qui n’a pas été mis à contribution. La plupart des réunions de coordination de l’aide internationale n’étaient même pas traduites en créole, langue que parlent la majorité des Haïtiens. Ultime «cadeau»: le choléra apparaît en octobre 2010 par un contingent de Casques bleus népalais déployés dans le cadre de la Mission des Nations unies pour la «stabilisation» en Haïti, provoquant 10’000 morts et contaminant 800’000 victimes.

La liste n’est pas exhaustive. On finit par se demander à quelle ONG se fier. Et voilà qu’en pleine campagne «MeToo» ou «BalanceTonPorc», suite à l’affaire Weinstein, éclate le scandale Oxfam (Oxford Committee for Famine Relief). C’est une confédération composée de vingt organisations indépendantes de même sensibilité qui agissent «contre les injustices et la pauvreté». Elles travaillent en collaboration avec des partenaires locaux répartis dans près de cent pays. Oxfam a été créé en Angleterre en 1942 pour agir contre la famine provoquée par le blocus anglais contre l’occupation nazie en Grèce.

Par la suite, des ONG de coopération au développement se sont constituées indépendamment sous le nom d’Oxfam dans différents pays développés. En 1995, elles se sont regroupées au sein de la coordination Oxfam international, créée pour assurer à leur action une meilleure efficacité et une plus grande visibilité. Ces ONG luttent aujourd’hui sur les terrains politiques, économiques et humanitaires contre la pauvreté et les inégalités dans le monde ainsi que pour un développement durable: éducation pour tous, commerce équitable, réglementation des armes, notamment. Que du bon et du beau, devant de tels idéaux, on signe tout de suite!

Mais patatras! Voilà que la belle image se déchire. On apprend que des employés des ONG et des agents de l’ONU vont jusqu’à troquer de la nourriture contre des actes sexuels. Ils sont là pour aider, apporter de l’aide et ils violent! Les tabous tombent, enfin. Combien de fois des comportements criminels n’ont-ils pas été couverts par une chape de silence…

MSF (Médecins sans frontières), qui compte 40’000 employés permanents dans le monde, prend les devants en annonçant que 150 plaintes concernant ses employés sont remontées en 2017. C’est probablement le sommet de l’iceberg. Les langues se délient parmi les anciens employés du CICR. En 2014, un blogueur africain révélait que la prostitution avait fait un bond en Ouganda avec l’arrivée des employés de l’ONU à Entebbe. En 2002 déjà, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) et l’ONG Save the children publiaient un rapport accablant: dans les camps de réfugiés de Guinée, du Liberia, de la Sierra Leone, des jeunes filles de 13 à 18 ans confiaient avoir été obligées de coucher avec les agents humanitaires pour obtenir nourriture et médicaments, une «pratique étendue», relevait le rapport. On parle aussi d’une «culture d’abus sexuels» et d’une «culture d’impunité» au sein de certains bureaux.

Les ONG et les Nations Unies sont tentées d’étouffer les scandales, à cause de l’impact que pourraient avoir de telles affaires sur leurs financements. Des fonctionnaires se sont retrouvés poussés vers la sortie ou «placardisés» pour avoir dénoncé ce qu’ils avaient vu. Comme toujours. Aujourd’hui, l’ONU a pris des mesures internes pour protéger les donneurs d’alerte.

Une psychothérapeute genevoise qui, avec ses collègues, accompagne les humanitaires, n’est pas surprise. Isolés, immergés dans des zones où règnent la misère et la souffrance, alors qu’ils disposent de moyens financiers confortables, beaucoup d’humanitaires perdent tout repère moral. Si l’on ajoute l’alcool et les drogues…

Le recrutement est insuffisamment sélectif lorsque les ONG font face à des situations d’urgence. Save the children préconise un passeport humanitaire pour s’assurer que les employés signalés pour violences sexuelles soient sortis du circuit. Il y a un sujet encore plus tabou: les violences sexuelles à l’intérieur de la sphère humanitaire.
Quelle que soit la situation, la solitude, le manque, profiter de la misère d’une population, notamment de jeunes filles démunies, est ignoble, scandaleux, inadmissible, intolérable… Il est absolument nécessaire de dénoncer ces agissements, de les punir et de mettre en place des systèmes de prévention et de surveillance.