Deux pépites de l’original label «Le Furieux»

Musique • Le label «Le Furieux» a pour ambition de faire connaître des artistes qui renouvellent la chanson française. Peu d’albums sont édités, mais ceux qui le sont se distinguent par leur originalité et leur qualité.

Achille, de son vrai nom Donia Berriri, réussit un délicat équilibre entre texte, musique et interprétation. François Puyalto, co-arrangeur des albums d’Emily Loizeau, signe un album personnel tant par ses textes que ses musiques.

Histoire de commencer l’année en chansons, revenons sur deux parutions du label «Le furieux». Il s’agit d’un label associatif fondé en 2015 par Jean-Philippe Teyssier, Antoine Quenardel et Antoine Sahler, tous trois bénévoles. Le but est de produire des disques de qualité et faire connaître des artistes qui contribuent au renouvellement de la chanson française. Le bénéfice éventuellement généré par les ventes des albums produits va directement aux artistes ou est investi dans de nouveaux projets. A ce jour, Le Furieux a produit cinq albums, dont trois en 2017: Iris, d’Achille, Le Quatre, d’Armelle Dumoulin, et Le nom des animaux, de François Puyalto.

Un voyage poétique et musical
Achille, de son vrai nom Donia Berriri a écrit, composé, arrangé et interprété les douze titres de l’album. Elle en assure aussi une grande part de l’accompagnement musical. Donia Berriri s’est choisi le nom d’Achille en hommage à Achille-Claude Debussy. Ce qui se dégage à la première écoute est une harmonie entre poésie et musicalité, toute en sobriété. L’impression qu’il n’y a ici aucune place pour le superflu ou l’inutile, ni dans les textes ni dans les musiques. Ce voyage poétique et musical débute avec «Elixir», chanson toute en nuance et teintée de mélancolie, qui donne la couleur de l’album. Achille y pose son chant aérien sur un accompagnement qui laisse la part belle aux claviers. Avec «Nina», sa musique et sa voix se teintent de jazz pour une très belle chanson hommage à Nina Simone. Achille parle aussi de notre actualité avec «L’apatride», chanson sur le déracinement et les difficultés de l’exil. Pour «J’oublie», Achille est rejointe par Nosfell pour une chanson à deux voix sur la séparation et l’oubli. Dans cette chanson, écrite après les attentats de Paris, l’alchimie des deux voix crée une atmosphère étrange, mélange de tristesse et de mélancolie.

Avec le titre «Paris», Donia Berriri offre sa contribution aux nombreuses chansons consacrée à la ville lumière, une chanson amour-haine sur «sa» ville, «Ô Paris mon amour que je hais tant – Je t’ignore trop souvent et tu me le rends». «Achille», le dernier titre de l’album, est un hommage à Debussy. Après la fin de cette dernière chanson, un titre «caché», un très bel instrumental au piano pose la fin du voyage. Dans cet album, tous les titres mériteraient d’être cités. Donia Berriri est une musicienne et une auteure, elle réussit ce délicat équilibre entre texte, musique et interprétation qui fait la beauté des chansons. Un premier album très abouti qui allie avec beau coup finesse poésie et musicalité. Iris fait partie de ces albums qui se livrent à l’auditeur au fil des écoutes.

Premier album de François Puyalto
Autre univers avec Le nom des animaux, de François Puyalto. Bassiste, musicien accompli et co-arrangeur des albums d’Emily Loizeau, il nous propose ici son premier album en tant que chanteur. Il en a composé toutes les musiques et, à l’exception de deux titres, «Chanson pour la maison» et «Molly», en a écrit l’ensemble des textes. Il faut aussi signaler la très belle pochette de Matthias Lehmann, illustrateur et auteur de bande dessinée. Cet habillage a valu à l’album de bénéficier d’une édition vinyle et d’être ainsi le premier du label Le furieux édité dans ce format.

L’univers de François Puyalto nous semble vite familier, l’impression de se retrouver dans un environnement connu. Les couleurs musicales et surtout le timbre de voix se rapprochent un peu d’un Arthur H ou d’un Bernard Lavillier. La comparaison s’arrête là, l’album est original et personnel tant par ses textes que ses musiques. Ses douze chansons nous emmènent dans une errance poétique et musicale pour nous parler des choses de la vie, petites ou grandes, avec beaucoup de subtilité. Les textes des chansons flirtent aussi parfois avec l’humour et le surréalisme; «Pourquoi, pourquoi tu klaxonnes – tu veux quoi, tu veux quoi, tu veux que je t’assomme» ou «Si l’on connaissait le nom des animaux – Est-ce qu’on serait moins vaches – Est-ce qu’on serait moins lâches».

François Puyalto assure la partition de basse électrique et est accompagné au clavier par Tarik Chaouach et à la batterie par Raphaël Koermer. Les arrangements musicaux et les accompagnements sont également remarquables et soulignent a merveille la poésie des textes. Ce voyage dans Le nom des animaux se termine par «Le bonheur», chanson douce-amère qui conclut l’album; «[…] Le bonheur est fugace – Il n’est pas loquace – Quand ça finit bien – C’est qu’c’est la fin […]». A noter encore que l’édition vinyle donne accès au téléchargement en mp3 avec un titre supplémentaire, «Laisse-moi». Egalement un premier album vraiment réussi.

Le label Le Furieux poursuit ainsi sa démarche en éditant peu d’albums, mais tous ceux qui sont produits se distinguent par leur originalité et leur qualité. De quoi se démarquer de la «marchandisation» musicale des grands labels.

Tous les albums du label peuvent être commandés directement
sur www.lefurieux.org.