Le Forum social mondial de retour à la maison pour se réinventer

Altermondialisme • Le Forum Social Mondial (FSM) revient au Brésil, pays qui l’a vu naître en 2001. Il se tiendra du 13 au 17 mars à Salvador de Bahia, dans le Nord Est du pays.

Au Brésil, le mouvement altermondialiste doit renforcer ses liens et redonner de la visibilité internationale à ses propositions de changements sociaux. (Photo: Janine Moraes).

Voir également notre article « Le grand rendez-vous des alters à la croisée des chemins« 

Les organisateurs de cette édition du FSM, convoquée sous la consigne «Résister, c’est créer, résister, c’est transformer», comptent réunir environ 50’000 participant-e-s, provenant essentiellement des continents américain et européen, ainsi que d’autres représentant-e-s de diverses régions de la planète.

Le Forum Social Mondial (FSM) s’est tenu pour la première fois en 2001 à Porto Alegre (Brésil). Il avait été pensé en opposition au World Ecomomic Forum de Davos, où les leaders politiques et économiques des pays les plus riches du monde se rencontrent et où, avec l’énorme soutien des médias, souvent contrôlés par les mêmes acteurs, ils distillent la «pensée unique» de la logique capitaliste du marché. Il était devenu nécessaire non seulement d’intensifier la dénonciation de la perversité de cette logique, du point de vue de la justice sociale, mais aussi de montrer des alternatives qui étaient expérimentées dans divers contextes locaux, de les partager et de permettre de les multiplier au-delà des frontières et de créer des alliances et des synergies de luttes.

Un Forum inventif et non hiérarchisé
Après trois années au Brésil, le forum s’est tenu en 2004 en Inde, avec la mise en évidence de l’injustice des castes. Il a représenté une vraie plateforme pour les revendications des Intouchables, très grand groupe social marginalisé et opprimé dans ce pays. Ensuite, le FSM, dans sa construction inventive et non hiérarchisée, s’est organisé de façon décentralisée, sur 3 continents pour essayer de renforcer les réseaux régionaux: les réalités en Afrique, en Asie et en Amérique Latine étant si différentes qu’il paraissait alors difficile de capitaliser une lutte d’un continent sur un autre.

En 2009, le Forum, qui s’est tenu dans la ville amazonienne de Belém, a permis d’intégrer toute la problématique écologique et des peuples indigènes dans leur lutte pour leur territoire.

Après Dakar en 2011, les deux suivants se sont tenus en Tunisie, suite à l’espoir suscité par le printemps arabe et l’énergie qui semblait se dégager dans les différents et nombreux mouvements de la société civile qui avaient vu le jour: ce fut l’occasion de saisir toute la difficulté de ces démocraties naissantes avec leur lot d’incertitudes. Si, sur le moment, cela a donné aux mouvements sociaux tunisiens l’assise dont ils avaient besoin pour essayer de transformer les rapports sociaux qui perduraient depuis plusieurs décennies, il a manqué une dynamique qui puisse transcender la réalité régionale et créer un renforcement mutuel des luttes. Le contexte global avait aussi changé, avec la crise et le repli sur soi observés en Europe et aux Etats-Unis suite aux débacles bancaires de 2008-2010, puis les crises économiques du Sud de l’Europe.

En 2016, le FSM a été organisé pour la première fois au Nord, soit au Québec, dans la dynamique des luttes estudiantines. Cette expérience a toutefois démontré toute la difficulté à organiser un tel événement dans un pays qui contrôle son immigration de manière très stricte, comme c’est malheureusement le cas partout dans le Nord. De nombreux participants inscrits pour présenter leurs alternatives à la vision néolibérale dominante n’ont simplement pas obtenu leur visa d’entrée au Canada.

Un contexte brésilien tendu
Cette année le retour au Brésil se fait dans un contexte très tendu. Le président Temer a remplacé la présidente élue Rousseff suite à un coup d’Etat parlementaire et des élections doivent se tenir en fin d’année. L’ex-président Lula, qui est à nouveau candidat, avec de fortes chances de gagner, risque de se voir sa candidature hypothéquée parce que la justice, totalement corrompue du Brésil, l’accuse de malversation, comme elle l’a déjà fait avec la présidente déchue.

Ce forum peut être pour les mouvements sociaux brésiliens une réelle occasion de renforcer leurs liens, et surtout redonner la visibilité internationale dont ils ont besoin pour espérer voir revenir un gouvernement populaire qui soutienne leur lutte: quand on voit tout ce que le président Temer a détruit en moins de 2 ans, on peut craindre le pire pour le peuple brésilien si la droite se maintient au pouvoir, ce à quoi elle semble bien décidée, avec l’aval des Etats-Unis.

Il s’agit donc d’un forum important, comme lieu d’échange pour tous ceux qui continuent à lutter pour un «autre Monde possible», mais aussi et peut-être plus que jamais comme manifestation de résistance au néolibéralisme ravageur et totalement décomplexé.