L’égalité salariale: les mâles PDC méprisent les femmes

La chronique féministe • Cela fait près de 40 ans que les femmes attendent l’égalité de salaire, depuis qu’elle figure dans la Constitution en 1981. Tout le monde dit, la bouche en cœur, que ce n’est pas normal, mais quand il s’agit de prendre des mesures concrètes, il y a toujours des misogynes et des réactionnaires pour mettre les bâtons dans les roues.

Mille millions de mille sabords, bougres de faux jetons à la sauce tartare, ectoplasmes à roulettes, extraits de cornichon, jus de poubelle, porcs-épics mal embouchés, bougres de crétins des Alpes! comme dirait le capitaine Haddock.

Il y en a marre, marre, marre. Bon sang, ça fait près de 40 ans que les femmes attendent l’égalité de salaire, depuis qu’elle figure dans la Constitution en 1981. Tout le monde dit, la bouche en cœur, que ce n’est pas normal, mais quand il s’agit de prendre des mesures concrètes, il y a toujours des misogynes et des réactionnaires pour mettre les bâtons dans les roues.

On a d’abord prié gentiment les entreprises de bien vouloir faire un effort par des «actions volontaires». En 37 ans, seules 50 entreprises ont joué le jeu. Quel succès! Dans toutes les autres, les femmes continuent d’être discriminées. Simonetta Sommaruga a fait des propositions, qui ont naturellement été retoquées, elle a admis des concessions, avalé des couleuvres et quand on semblait être arrivé à un compromis (les entreprises de plus de 100 employé-e-s, au lieu de 50, auraient dû analyser tous les 4 ans leurs salaires), c’est le conseil des Etats qui fait sombrer le projet. Il n’a été ni discuté ni voté, simplement renvoyé en commission, une façon de l’enterrer.

La charge vient principalement de deux représentants du PDC: Konrad Meier et Pirmin Bischof… candidats potentiels à la succession de Doris Leuthard. Mesdames, souvenez-vous de ces deux noms et biffez-les de la liste des candidat-e-s des prochaines élections. Le PDC, un parti qui prétend soutenir les familles. Si l’on construit plus de crèches, si les femmes gagnent davantage, c’est bon pour les familles, non? Ah! mais il y a le sempiternel argument de l’économie, qui semble prévaloir sur tous les autres. Un faux calcul, à mon avis, parce que les entreprises qui prennent des mesures égalitaires se portent mieux que les autres. Mais cela, les mâles mus par leur cerveau primitif n’ont toujours pas réussi à l’intégrer dans leur système de pensée.

Quant à Ueli Maurer (UDC, Département fédéral des finances), un autre atrophié du bulbe, il pense que l’Etat ne doit pas se mêler des salaires des entreprises privées, qui doivent pouvoir agir comme elles l’entendent sur cette question. La personne qui a le mieux défendu les femmes, lors de cette séance, est le PLR neuchâtelois Raphaël Comte, qui a qualifié de honteuse la discrimination actuelle et scandaleuse la passivité des élus.

Chaque année, l’Office fédéral de la statistique analyse les structures des salaires. Premier constat: les différences de salaires sont plus grandes dans le secteur privé (21,3% en moyenne de moins pour une femme, taux qui peut monter jusqu’à 30,3%) que dans le secteur public (16,5%). Sur ce pourcentage, il y a certes une part explicable et objective: les différences de formations, d’expériences, professionnelles, les niveaux de compétences. Elle représente environ 60% des disparités salariales. Les 40% restants sont inexplicables et donc imputables à une seule discrimination: le sexe. Ces écarts se retrouvent naturellement au moment de la retraite, nettement inférieure pour les femmes.

Concernant la part objective de la différence salariale, elle s’explique par les choix effectués par les filles: soins, petite enfance, vente, secrétariat, métiers qui sont moins bien payés que ceux des domaines techniques, davantage choisis par les garçons. Très tôt dans leur parcours scolaire, les filles s’obligent à prendre des directions «réfléchies», leur permettant de concilier leur future vie familiale avec leur carrière professionnelle. Ainsi, elles font des choix moins prestigieux. Tant qu’il n’y aura pas une véritable politique d’égalité ni d’aide à la parentalité, cette situation perdurera. Même dans les sphères élevées, les femmes ont encore tendance à sacrifier leur carrière à l’arrivée du premier enfant.

Quant aux différences salariales injustifiables (et donc uniquement imputables au sexe), elles ne sont pas légales. La loi sur l’égalité (LEg), entrée en vigueur le 1er juillet 1996, interdit toute forme de discrimination entre femmes et hommes dans les rapports de travail. L’égalité salariale figurait dans la liste des objectifs du Conseil fédéral pour 2016…

Rappelons ici le test de John et Jane, mené dans plusieurs pays. Un même CV a été envoyé pour une offre d’embauche. A chaque fois, c’est John qui est le plus souvent sélectionné… On continue à se méfier des femmes, parce que, généralement responsable des enfants, elles risquent de manquer plus souvent que les hommes. Les entreprises discriminent sans s’en rendre compte. Les femmes sont donc, une fois de plus, doublement pénalisées.

Hasard du calendrier, Alain Berset annonce son nouveau projet pour maintenir l’AVS à flot: augmentation de la TVA de 1,7% (dans la réforme 2017, refusée par le peuple à 53%, l’augmentation de la TVA était de 0,6%) et… l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans!! On chasse une mesure par la porte, elle revient par la fenêtre! Les femmes ont largement refusé la réforme 2017 à cause de ce relèvement sans compensation sur le plan salarial, et on remet ça! Alain Berset, qui n’est pourtant pas un arriéré macho, n’a toujours pas compris? On ne peut pas les faire travailler une année de plus sans prendre des mesures pour tendre vers l’égalité salariale. Certes, il est PS, alors que les fossoyeurs des Etats sont PDC, mais il faudrait que les Chambres aient une vision d’ensemble et tirent à la même corde. Le danger est que cette nouvelle mouture soit à nouveau refusée par le peuple, ce qui conduirait, selon notre ministre des affaires sociales, à couler l’AVS.

Décidément, les femmes ont bon dos. On les croit taillables et corvéables à merci. Quand on ne les traite pas comme de viande dont on peut abuser sans risquer d’être poursuivi. Espérons que la vague de révolte suscitée par l’affaire Weinstein se propage à la discrimination salariale.

Lors des journées internationales des femmes, le 8 mars, nous avons toujours, entre autres revendications, exigé l’égalité salariale. Certes, nous avons dû attendre 1971 pour obtenir le droit de vote sur le plan fédéral, 2002 pour le droit à l’avortement, 2005 pour un congé maternité, 2013 pour l’égalité entre époux… mais nous ne voulons pas attendre 2186, 170 ans, selon le WEF, pour que les femmes gagnent le même salaire que les hommes.

Commençons par n’élire que les politicien-n-es, femmes et hommes, qui défendent ce principe et sont prêt-e-s à s’engager pour le mettre en œuvre.