Revers électoral pour la paix en Colombie

Colombie • La liste de droite soutenue par l’ancien président Uribe, qui s’oppose aux accords de paix, est arrivée en tête des élections législatives dimanche. La gauche de l’Union patriotique fait son retour au Parlement (par Gaël De Santis, paru dans L’Humanité).

La droite belliqueuse a remporté les élections législatives de dimanche en Colombie. Le Parti du centre démocratique (PCD), d’Ivan Duque, est arrivé en tête de ce scrutin. Avec un peu plus de 16% des voix, il remporte 19 des 120 sièges au Sénat et 33 des 166 sièges de la Chambre des députés, deux assemblées qui seront morcelées, où des alliances devront être nouées pour former une majorité.

Le bon résultat de cette droite qui se réclame de l’ancien chef d’Etat Alvaro Uribe met à mal l’accord signé en 2016 entre le gouvernement et la plus importante guérilla du pays, les Farc. Cette avancée avait permis à cette dernière de déposer les armes et d’intégrer le jeu politique institutionnel. Le nouveau parti créé par l’insurrection, la Force alternative révolutionnaire commune (Farc), ne recueillerait que 0,35 % des voix à la Chambre basse et 0,22 % à la Chambre haute. Toutefois, conformément à l’accord de paix, la Farc pourra compter sur dix parlementaires, automatiquement nommés.

La «Suissesse» Aida Avella élue au Sénat
En amont des élections, les groupes paramilitaires d’extrême droite avaient multiplié les attaques contre les militants sociaux. La droite s’est toujours montrée divisée quant à la perspective d’un retour des guérillas dans le jeu politique institutionnel. Au pouvoir de 2002 à 2010, Alvaro Uribe, représentant des intérêts des grands propriétaires terriens, a misé sur une approche militaire de la résolution du conflit avec les Farc. Pis, il a entretenu des liens avec des organisations paramilitaires coupables de graves violations des droits humains, voire avec les narcotrafiquants.

A Uribe, en 2010, avait succédé Juan Manuel Santos, proche des milieux d’affaires, qui, lui, avait ouvert le dialogue avec la guérilla, invaincue depuis un demi-siècle. C’est cette évolution qui a permis la démobilisation des Farc. Des pourparlers informels ont également commencé avec la deuxième guérilla du pays, l’ELN. Autant dire que les résultats du scrutin de dimanche n’aideront pas à trouver un accord de paix avec celle-ci. Le Parti de la U, de l’actuel président Juan Manuel Santos, sort affaibli du scrutin, avec seulement 12 % des suffrages environ.

En revanche, cette élection marque une réapparition de la gauche. En début de semaine, le Parti communiste de Colombie se réjouissait du retour de l’Union patriotique (UP) au Parlement. Rescapée d’un attentat fomenté par l’extrême droite dans les années 1980, et réfugiée à Genève, la présidente de l’UP, Aida Avella, est ainsi l’une des quatre sénatrices et sénateurs élus sur la liste de coalition de la Décence. Celle-ci obtient 3,41 % des suffrages, derrière d’autres listes de gauche et du centre (8,6% pour les Verts, 4,8% pour le Pôle démocratique alternatif).

Un bon résultat pour Petro
Mais ce n’est pas aux élections législatives que l’affirmation de la gauche a été la plus remarquée. Dimanche, les Colombiens s’exprimaient également, dans le cadre de primaires organisées par l’Etat, pour désigner les candidats de chaque camp à l’élection présidentielle du 27 mai. Gustavo Petro portera les couleurs de la gauche. Il a recueilli 2,8 millions de voix sur son nom et son rassemblement, Inclusion sociale pour la paix, a rassemblé au total 3,5 millions de voix. Il reste toutefois loin d’Ivan Duque qui, de son côté, a recueilli 4 millions de voix sur son seul nom, dans le cadre d’une primaire de droite à laquelle ont participé 6,1 millions de personnes.

Le rôle des partis centristes, comme le Parti libéral de Piedad Cordoba, favorable aux accords de paix, qui a obtenu 12,4 % aux élections sénatoriales, sera déterminant en mai prochain. Pour élire le prochain chef de l’Etat, mais aussi pour poursuivre sur le difficile chemin de la paix.