Aux origines de la crise hospitalière

Neuchâtel • Les tensions se multiplient autour d’HNE. Au fond des choses, on trouve la contradiction entre la politique fédérale, qui pousse à une plus grande libéralisation de la santé, et la volonté de la population locale qui veut de la proximité et de la qualité.

Le Grand Conseil neuchâtelois a voté en 2004 l’autonomisation de l’Hôpital cantonal, soustrayant ainsi l’institution au contrôle direct des députés, contre l’avis du groupe PopVertSol (photo: WMüller)

Les tensions se multiplient autour de l’Hôpital neuchâtelois (HNE). Une grande partie de la population, tout comme les autorités politiques des Montagnes, ne comprend pas la logique qui prévaut au sein du Conseil d’administration. Les critiques fusent donc contre lui et contre le Conseil d’Etat. Mais d’où proviennent ces tensions? En comprendre l’origine permettra peut-être de trouver des solutions pour traverser un chaos qui se prolonge depuis plusieurs années.

Tout d’abord, les nouvelles dispositions votées en 2007 par les Chambres Fédérales, qui avaient pour but d’accroître la concurrence entre les hôpitaux et de mettre sur un pied d’égalité les établissements privés et publics, peuvent expliquer le début des déconvenues. Jusqu’alors, le concept de concurrence était réservé aux activités privées. Mais les règles du capitalisme imposent la recherche constante de profits et ce dans tous les secteurs. Cette logique aboutit immanquablement à la libéralisation des services publics. Dans les parlements, ses défenseurs répètent constamment que les prestations publiques sont plus coûteuses que les prestations privées, en appelant à d’incessantes réductions budgétaires dans le public. Mais ils ne comparent jamais clairement les tâches dévolues à ces deux secteurs. Or, elles ne sont pas les mêmes puisque le public doit répondre aux besoins de tous les habitants alors que les intérêts privés ne visent que les opérations les plus rentables, laissant les autres aux institutions publiques.

Une perte de contrôle démocratique
Dans cette même logique de privatisation des prestations publiques, le Grand Conseil neuchâtelois a voté en 2004 l’autonomisation de l’Hôpital cantonal neuchâtelois, soustrayant ainsi l’institution au contrôle direct des députés, contre l’avis du groupe PopVertSol. Un référendum syndical a été rejeté en 2005 par une large majorité de la population, suite à une campagne trompeuse et mensongère. S’en sont suivies une perte de contrôle démocratique et des décisions ne répondant pas à l’attente de la population.

Comme résultante de ces différentes logiques, les hôpitaux publics, accusés de trop dépenser, ont été contraints de se donner pour objectif premier la réduction des déficits, autant de décisions facilitées par des directions dorénavant plus indépendantes. En a résulté le phénomène de concentration que l’on connaît et contre lequel la population proteste. Ils ont également été poussés par la logique de concurrence à fournir de nouvelles prestations, souvent de prestige et de notoriété. Or, la population veut des services hospitaliers efficaces, répartis dans toutes les régions du canton et capables de traiter les patients pour les soins de base. Elle l’a démontré lors de la votation populaire soutenant l’initiative pour deux hôpitaux complémentaires.

La logique du marché imposée au domaine de la santé explique donc en grande partie les difficultés actuellement traversées par le canton de Neuchâtel en termes de politique sanitaire. Deux décisions résultant du système démocratique, celle des chambres fédérales, où certains lobbys sont particulièrement actifs, qui pousse en faveur de plus de marché, et celle du peuple neuchâtelois, entrent en contradiction.

Mais les critiques contre l’HNE trouvent également une autre origine. Il s’agit de l’absence de dialogue. La certitude d‘avoir raison contre les autres mine la confiance entre la population et les responsables d’HNE. Pour remédier à cette situation, un changement de pratique est nécessaire pour instaurer rapidement la notion de respect, pour écouter celles et ceux qui vont subir les propositions de changements et pour mieux en expliquer les effets. Les dirigeants accompagnés de leurs experts ne peuvent pas élaborer des solutions en vase clos.

Du dialogue et des explications
Ainsi, dans le cadre de l’annonce récente du déplacement de l’unité de soins palliatifs «La Chrysalide», actuellement basée à La Chaux-de-Fonds (notre édition de la semaine dernière), le rôle hautement émotionnel de ce lieu n’a semble-t-il pas été pris en compte et laisse penser que les dirigeants de l’HNE demeurent dans une logique de centralisation. Elle leur est dictée par un système concurrentiel inadapté au domaine de la santé. Malgré tout, toute décision de ce type, imposée sans explications suffisante et semblant contraire à la volonté populaire récemment exprimée, ne pourra provoquer qu’une aggravation du climat d’affrontement. Par le dialogue en revanche, toutes les personnes impliquées, qu’il s’agisse du personnel, des villes, des élus communaux, de la direction d’HNE ou du conseil d’Etat, doivent pouvoir trouver en collaboration des solutions satisfaisant tout le monde. Cette attitude permettrait également de mieux appréhender la contradiction entre les exigences confédérales prônant la concurrence et les besoins de la population, souhaitant des lieux de proximité pour être soigné.

La responsabilité ultime de cette absence de dialogue est portée selon nous par Laurent Kurth, responsable du dicastère de la santé publique, qui ne semble pas avoir compris que parfois, le savoir être est plus important que le savoir-faire.