Les CSP sonnent l’alerte sur l’accès aux soins

Suisse • Les Centre sociaux protestants ont alerté cette semaine sur les conséquences d’un système de santé de plus en plus cher pour les citoyens, poussant une part d’entre eux à se priver de soins ou à s’endetter.

Monsieur V. a contracté une assurance maladie pour lui et son fils avec une franchise de 2500 francs. Confiant en leur bonne santé, il peut ainsi payer des primes plus basses qui conviennent à son budget serré. Jusqu’au jour où son fils tombe malade, ce qui nécessite de longs soins. Les investigations et le traitement courent de novembre à janvier, soit sur deux ans, l’obligeant à débourser 5000 francs de franchise. Il n’y arrivera pas et doit faire appel au Centre social protestant (CSP). Seul le recours à une fondation privée permettra à Monsieur V. de s’acquitter de son dû.

«Ils sont des milliers en Suisse à être en butte à des difficultés inextricables liées au système de soins suisse», ont dénoncé cette semaine les Centre sociaux protestants, à l’occasion du lancement de leur campagne annuelle. Une campagne de sensibilisation, mais aussi de recherche de fonds.

Franchises, quote-part et frais non couverts
Les CSP soulignent que «l’augmentation cumulée des primes d’assurance maladie entre 1996 et 2016 équivaut à 159%», que «depuis l’entrée en vigueur de la LAMal, la participation aux coûts de la santé par les ménages a augmenté de 111% alors que les salaires nominaux n’ont connu qu’une augmentation de 23.6%» et rappellent qu’ «en comparaison internationale, la part à charge des ménages aux coûts de la santé est, après les Etats-Unis, la plus élevée: presque la moitié des Suisses ont dépensé au moins 1000 francs pour leur famille en frais de santé non couverts par l’assurance maladie obligatoire». Ces frais comportent les franchises et participations aux frais (quote-part), les factures médicales non couvertes, notamment de soins dentaires, lunettes et appareillages auditifs.

Des frais auxquels une part de la population ne parvient pas à faire face. Se basant sur les statistiques de leurs services spécialisés dans la gestion des dettes, les CSP constatent ainsi qu’«en 2015 et 2016, trois ménages sur cinq consultant les services de Dettes conseil suisse (DCS) avaient des dettes d’assurance maladie et un sur trois des dettes auprès de prestataires de soins». Et de rappeler les chiffres de l’OFS, selon lesquels 21.5% des personnes vivent dans un ménage incapable de faire face à des dépenses imprévues de 2500 francs dans un délai d’un mois.

Une situation qui a aussi pour conséquence de pousser un certain nombre de personnes à renoncer à des soins pour des raisons financières. Les chiffres existant sur le sujet varient: Selon l’Observatoire suisse de la santé, 22,5% de la population était concernée en 2016. Une enquête des HUG arrive, elle, à un chiffre de 14%, le renoncement aux soins dentaires étant cependant plus important. Quant à l’OFS il parle de 4,7% de la population. Dans tous les cas, ce renoncement est plus important pour les personnes à faibles revenus et chez celles qui ont opté pour des franchises élevées, constatent les CSP. Et d’ajouter que «la mauvaise compréhension du système et de l’implication de certains choix effectués entraîne souvent des configurations problématiques, qui ne sont pas le seul lot des personnes et familles précaires financièrement, mais que ces dernières subissent plus lourdement».

Une simplification drastique est nécessaire

Pour remédier à cette situation, les CSP appellent à «une simplification drastique du système». Ils soutiennent à ce titre l’initiative «pour des primes plus justes» lancée notamment par les conseillers d’Etat Pierre-Yves Maillard et Mauro Poggia, qui demande que les cantons soient libres d’organiser leur propre système, en partie public, d’assurance maladie. Ils estiment en outre que les frais dentaires, de lunettes, d’appareillage auditif et de prévention devraient être inclus dans l’assurance maladie de base. «Une solution doit être trouvée afin que les jeunes accédant à la majorité ne puissent plus être poursuivis pour des dettes de primes d’assurance maladie contractées par leurs parents», ajoutent-ils.

Enfin, ils soulignent que «dans un système si compliqué qu’il entrave la possibilité d’exercer des choix responsables, il est pernicieux d’accroître encore la responsabilité incombant aux assuré-e-s». A ce titre, les propositions récemment lancées dans le débat politique visant à lier dans la durée les personnes qui font le choix d’une franchise élevée ou d’un modèle d’assurance moins onéreux, ou qui suggèrent d’adapter les franchises à l’évolution des coûts de la santé «sont de très mauvais signaux», critiquent les CSP: «Elles font l’impasse sur les difficultés de nombreux assuré-e-s qui peinent déjà à faire face aux coûts sans cesse en augmentation des primes d’assurance. Elles reportent l’augmentation des coûts de la santé sur les assuré-e-s, alors que les salaires n’ont pas autant augmenté que les participations».