Renvois: plus aucun scrupule

Il faut le dire • L'Europe comme la Suisse pratiquent les renvois de requérants d'asile avec de moins en moins de scrupules.

Dans une indifférence presque totale, on a appris que le mois dernier, l’un des derniers bateaux qui tente de secourir les migrants cherchant à gagner l’Europe depuis la Libye, de l’ONG espagnole Proactiva, a été placé sous séquestre. Le navire a déjà sauvé plus de 5’000 migrants des eaux, mais l’ONG et trois de ses responsables font l’objet d’une enquête pour association de malfaiteurs en vue de favoriser l’immigration clandestine en Italie!

Leur tort: l’ONG a refusé, le 15 mars dernier, de transférer 200 migrants qu’elle avait secourus quelques heures auparavant sur une vedette des gardes-côtes libyens, arrivée après coup et dans les eaux internationales, dans l’idée de les ramener en Libye. C’est pourtant l’Italie qui avait signalé à l’ONG la présence de deux petites embarcations à 73 miles des côtes libyennes. Mais en vertu d’un accord passé avec l’Italie, agréé par l’Union Européenne, c’est Tripoli qui «pilote les opérations». Doit-on rappeler que le sort des migrants dans les centres de détention libyens est épouvantable et dégradant? On parle ici de travail forcé et de viols systématiques notamment.

Il s’agit d’une étape de plus dans la criminalisation des ONG et associations qui soutiennent les migrants, comme on l’a vu à Calais ou à la frontière franco-italienne, ainsi que dans l’absence totale de scrupules à renvoyer les migrants vers les réalités les plus inhumaines. Et la Suisse n’a pas à se vanter. Dans le canton de Vaud notamment, on est bien loin de l’époque des «523», où la société civile et la classe politique parvenaient, grâce à un mouvement citoyen fort, à faire infléchir le gouvernement, obtenant à terme la régularisation de nombreuses personnes.

Les collectifs R et Droit de Rester vaudois alertaient ainsi à la fin mars sur l’emballement des autorités, depuis début 2018, à renvoyer des demandeurs d’asile, en particulier vers la Sicile, alors que les conditions de vie qui leur sont réservées là-bas sont particulièrement catastrophiques. Et de citer les cas d’un mineur, ou d’un père séparé de sa femme et de son enfant restés en Suisse. Un renvoi vers le Soudan a également été dénoncé cette semaine. Selon ces collectifs, les marges de négociation avec les autorités en charge de la migration se sont réduites de manière drastique.

N’avons-nous pourtant pas, dans le canton de Vaud, un gouvernement de gauche, dont une Conseillère d’Etat était jusqu’il y a moins d’un an professeure ordinaire de droit des migrations, et qui, au temps où elle était députée au Grand Conseil était une des personnalités les plus engagées dans la défense des migrants?