«Il faut lire les pages économiques»

Courrier des lecteurs • Pierre Aguet estime que les travailleurs devraient plus lire les pages économiques des journaux.

Je me base sur mes conversations entre amis et sur ce que l’on entend au café du commerce. Ma conviction est faite. Les pages économiques ne sont pas beaucoup lues par les travailleurs que je fréquente. Ils ont tort.

L’UBS ou le Crédit Suisse doivent payer des milliards d’amende au fisc américain. L’ancien patron des banques Raiffeisen est mis en prison. Oui, cela alimente les conversations à l’heure de la pause. Que ces gros bonnets aient à rendre des comptes, c’est un rien, mais qui fait plaisir… Encore que. Mis à part le cas de Pierin Vincenz en prison, ancien patron d’une coopérative, c’est toujours les banques qui payent les amendes, mais ce n’est jamais les directeurs, les responsables des délits. Eux restent à leur place et ne sont pas inquiétés. S’ils le sont, ils répondent qu’ils n’étaient pas au courant… Est-ce admissible?

Pourquoi mes amis ont-ils tort de ne pas mieux s’informer des aléas de l’économie? Depuis le crash des supprimes, il y a dix ans, on répète à tout va que la bourse et le capital ne rapportent plus rien, qu’il faut absolument baisser les taux de conversion et par là, baisser nos retraites. Que voulez-vous mon pauvre monsieur, les belles années sont passées.

Or, un chiffre publié le 5 avril m’inspire ce papier. Les rendements moyens des capitaux de la caisse de pension Publica du personnel fédéral a été de 6,75% en 2017. Comparez donc ce chiffre avec les 0,125% de vos comptes d’épargne. On peut lire dans ces mêmes pages économiques que la bourse a produit des résultats remarquables en 2017, que les milliards de l’AVS ont eu un rendement encore plus important que ceux de la caisse Publica.

Les artistes comiques qui se moquent de l’actualité politique aiment à affirmer souvent: «On nous cache des choses». Ils ont partiellement raison. La presse donne pourtant passablement d’informations que l’on néglige parce que: «Qu’est-ce qu’on a à s’inquiéter des fluctuations du Nasdaq ou du Dow Jones? Ce n’est pas cela qui va améliorer ma paie.» Et bien non. Cela peut avoir une grande influence sur la capacité financière des travailleurs. Encore faudrait-il, qu’informés, ils se mobilisent pour changer le cours des choses. Ils ont particulièrement tort de se désintéresser du fait que l’essentiel de la richesse produite par l’humanité laborieuse n’atterrisse dans la poche que de 1% des huit milliards d’êtres humains.

Voilà près de dix ans que le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz a expliqué et chiffré ce phénomène. Voilà plus de vingt ans que cette concentration s’amplifie et que rien ni personne ne cherche à corriger cette ignominie. Lisez plus attentivement les pages économiques de votre journal préféré.