Karl Marx et le marxisme dans les gymnases vaudois

Témoignage • Pierre Jeanneret, professeur d’histoire à la retraite, livre son regard sur l’enseignement de l’histoire de la pensée marxiste dans les gymnases vaudois.

Le marxisme n’est certes pas «enseigné» au gymnase comme une science exacte, à l’instar des mathématiques ou de la chimie, comme il pouvait l’être en URSS. La pensée marxiste est abordée (quand elle l’est) dans les cours de philosophie ou d’histoire. Je livre ici un témoignage tout à fait personnel, qui n’engage que moi. Dans le cadre de mes cours d’histoire, j’ai traité ce sujet avec de nombreuses classes, entre 1974 et 2004.

Après un cours général sur la vie et la doctrine de Marx, l’essentiel était consacré à la lecture et à l’analyse du Manifeste du Parti communiste, texte certes non définitif sur la pensée de Marx et Engels, mais qui présente l’avantage d’être concis et bon marché …surtout dans l’édition chinoise des Editions en langues étrangères (Pékin 1970). L’accent était surtout mis sur le chapitre I, «Bourgeois et prolétaires», qui constitue une explication tout simplement géniale de la naissance, de la montée et du triomphe final du capitalisme, et sur le chapitre II, «Prolétaires et communistes», qui est une présentation très claire du programme de ces derniers. Ce cours théorique sur le marxisme pouvait être prolongé, selon les classes, par un autre cours sur la Révolution russe et le stalinisme, sur la guerre d’Espagne et les affrontements entre anarchistes, trotskistes et communistes prosoviétiques, ou encore sur les mouvements politiques et sociaux en Suisse.

Enseigner l’histoire idéologique
Mais j’aimerais inscrire ici cette approche du marxisme dans un contexte plus large. Pendant mes trois décennies d’enseignement au gymnase, j’ai toujours accordé une place importante à l’histoire idéologique et politique. Je me suis efforcé de présenter le plus objectivement possible le libéralisme (par le biais notamment de la lecture d’Alexis de Tocqueville), les socialismes dits «utopiques», l’anarchisme, le fascisme et, on l’a vu, le marxisme. Cette approche de l’histoire est aujourd’hui battue en brèche par des thématiques sociologiques qui me paraissent relever souvent de la mode du temps: histoire des maladies et des épidémies, histoire du féminisme, de la prison, de la folie, etc., certes fort intéressantes en soi, mais d’un abord difficile pour qui ne dispose d’un cadre solide, et au risque de multiplier les anachronismes.

Même si ma conception de l’enseignement de l’histoire est considérée par certains comme passéiste, je persiste à considérer comme indispensable de doter les élèves d’une véritable connaissance des idéologies qui, malgré les élucubrations sur la «fin de l’histoire», continuent de s’affronter dans le monde.