Jean Ziegler propose son bréviaire anticapitaliste

Livre • Jean Ziegler vient de sortir «Le capitalisme expliqué à ma petite fille (en espérant qu’elle en verra la fin)». Un régal.

Voilà un ouvrage qui devrait figurer dans tous les programmes scolaires. En une centaine de pages bien senties et étayées, portées par une rhétorique flamboyante, Jean Ziegler- qu’on ne présente plus – dresse le portrait au vitriol du capitalisme et de son «ordre cannibale» sur la planète. Sur la base d’une présentation sous formes de questions-réponses avec sa petite fille Zohra, le sociologue genevois et actuel vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU passe à la moulinette les affres de ce modèle socio-économique, soumis à la main invisible du marché.

Du Guatemala au Kivu
Foncièrement pédagogique et sous haute influence de Karl Marx, le livre revient sur les origines historiques dès le XVIe siècle de ce régime économique et social, né de la victoire de la bourgeoisie sur l’aristocratie dans le cadre de la lutte des classes. Au fil des pages, l’auteur ausculte de nombreux autres points de ce système global, qui influence nos vies. Il passe ainsi en revue et de façon didactique les différences entre capitalisme économique et capitalisme financier, revient sur les formes d’aliénation et de gaspillage incluses dans l’actuelle société de consommation, réservée à une minorité, aborde les problèmes des ravages de la dette, des échanges inégaux entre Nord et Sud, de l’omnipotence des multinationales ou de l’évasion fiscale.

Au-delà de l’élucidation de ces concepts, Jean Ziegler étaye sa détestation par différents épisodes liés à ses missions sur le terrain dans le cadre de l’ONU. On passe ainsi du Guatemala, «pays stupéfiant de beauté» et de misère, à l’Est du Congo, ce qui nous vaut quelques paragraphes pour une future anthologie portative du Maître. «Jamais je n’oublierais les regards apeurés, les corps faméliques des enfants, des adolescents s’épuisant pour un salaire de misère, sous la menace permanente des fusils des milices, dans les mines de coltan du Kivu», écrit ainsi notre épigone d’Emile Zola ou de Dickens et auteur dans le passé d’un roman, L’or du Maniema.

La force historique de l’utopie
Considérant que le capitalisme doit être détruit, notamment du fait qu’il met en péril les limites et ressources finies de notre planète, Jean Ziegler en appelle, dans le dernier chapitre à une «insurrection des consciences». Optimiste et ardent défenseur de la «force historique formidable qu’est l’utopie», il rappelle que l’esclavage a été vaincu et que l’émancipation des femmes ou la création d’une sécurité sociale sont devenues des réalités. Modeste, il laisse le soin aux mouvements sociaux de par le monde de penser l’émancipation prochaine de l’humanité. «Je ne sais encore rien du système social et économique qui doit le remplacer, mais cela ne m’empêche pas d’espérer que ce sera ta génération qui abattra le capitalisme», conclut-il.

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Jean Ziegler, Le capitalisme expliqué à ma petite-fille (en espérant qu’elle en verra la fin), éd. du Seuil, 2018,117 pages.