Le travail est sous pression en Suisse

Il faut le dire • Le SECO a présenté cette semaine son rapport annuel sur la mise en œuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Il estime que «les mesures d’accompagnement ont fait leurs preuves». Pourtant, jusqu'à une entreprise contrôlée sur 4 est concernée par des infractions en termes de salaire et conditions de travail...

Le SECO a présenté cette semaine son rapport annuel sur la mise en œuvre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. En 2017, les contrôles du respect des conditions de travail et de salaire ont concerné quelque 44’000 entreprises et plus de 170’000 personnes. Comme à son habitude, le SECO en conclut que «les mesures d’accompagnement ont fait leurs preuves».

Pourtant, jusqu’à une entreprise contrôlée sur 4 est concernée par des infractions en termes de salaire et conditions de travail. Sans compter que «plusieurs cantons ont fixé des salaires de référence si bas que les entreprises qui pratiquent la sous-enchère peuvent passer sans problème à travers les contrôles», avertit l’Union syndicale Suisse. Elle ajoute que «dans les branches où les conventions collectives ou les contrats-types de travail ne prévoient pas de salaires minimaux obligatoires, les contrôleurs ne peuvent pas sanctionner les entreprises qui pratiquent la sous-enchère». Enfin, les cantons sont peu nombreux à décréter une suspension des travaux lorsqu’une entreprise est en infraction.

Le rapport met aussi en évidence que le nombre d’Européens engagés pour une durée de moins de 3 mois (travail détaché, soumis à une simple obligation d’annonce 8 jours à l’avance), est en augmentation. Or, «les salarié-e-s qui travaillent en Suisse pendant une courte période courent un risque supérieur à la moyenne de recevoir un salaire trop bas. Il est aussi beaucoup plus difficile de contrôler ces entreprises et ces salarié-e-s», souligne Unia, qui rappelle qu’au cours de ces 10 dernières années, le nombre de travailleurs détachés «a plus que doublé, passant de 120‘000 à près de 250‘000». De fait, à Genève, où les contrôles sont particulièrement nombreux, 75% des indépendants étrangers et des entreprises étrangères ayant recours au travail détaché qui ont été contrôlés n’étaient pas en règle, dont 30% pour cause de sous-enchère!

Si les mesures d’accompagnement sont fondamentales, elles ne suffisent que partiellement à enrayer une dégradation générale des conditions de travail. A l’heure où la Suisse parle de signer un accord-cadre institutionnel avec l’Europe, les syndicats se sont ainsi empressés de rappeler qu’elles ne pourraient en aucun cas devenir un enjeu de négociation. Un rappel nécessaire, alors que la position d’Ignazio Cassis sur le sujet semble des plus floues. Pour Unia, au contraire, «des mesures supplémentaires ciblées sont nécessaires pour garantir des contrôles efficaces et réglementer de façon plus stricte le recrutement de salarié-e-s particulièrement précaires par les entreprises de travail temporaire». Au vu des constats effectués plus haut, une telle revendication, que l’on ne saurait que soutenir, semble la moindre des choses.