Tamedia écrase sa presse-papier

Presse • Malgré ses bénéfices, Tamedia met à mort «Le Matin» papier dans un paysage médiatique romand sinistré. De nouvelles restructurations pourraient encore toucher les titres restants.

On s’y attendait depuis quelques semaines, mais le 7 juin, Tamedia a tranché et décidé d’en finir avec Le Matin papier d’ici le 22 juillet et d’en faire une «marque» 100% numérique. 41 emplois, dont 24 dans la rédaction, seront supprimés, s’ajoutant aux suppressions d’emplois liés à la réorganisation depuis début 2018 à Lausanne des rédactions des informations monde, suisse économie et sports du Matin dimanche, 24 heures et de La Tribune de Genève. Pour justifier cette mise à mort, Tamedia, qui a accumulé 170 millions de bénéfice en 2017, explique que l’année dernière, Le Matin a perdu 6,3 millions de francs et près de 34 millions au cours des dix dernières années. Défenseurs des salariés, les syndicats Impressum et Syndicom ont d’emblée dénoncé ce coup de force, critiquant un «comportement de croque-mort».

Procédure de conciliation pas respectée
Ils estiment aussi que cette annonce ne respectait pas le tempo de la procédure de conciliation ouverte dans le canton de Vaud et qui a pour but de demander le gel des licenciements pour deux ans et le maintien du Matin Semaine sur papier. «Le 8 juin, nous avons encore eu une séance urgente devant cette instance et demandé que soient étudiées des mesures alternatives pour maintenir Le Matin papier», explique Dominique Diserens, secrétaire syndicale d’Impressum. «Les séances de négociations se termineront le 21 juin. Nous ferons tout pour obtenir le maximum. Des assemblées générales du personnel des titres de Tamedia sont prévues le 22 juin», souligne encore la syndicaliste.

Dans le même temps, les syndicats veulent aussi que tous les documents utiles et pertinents soient sur la table, comme il est prévu dans les procédures de consultation imposées par le Code des Obligations avant toute éventuelle négociation d’un plan social. «Le personnel n’a pas encore été consulté comme l’exige la CCT», souligne Dominique Diserens. Et les syndicats de rappeler la responsabilité de l’éditeur zurichois.«Ayant acquis en peu de temps trois quarts du tirage de la presse abonnée en Suisse romande (en rachetant notamment Edipresse, ndlr), le quasi-monopoliste zurichois Tamedia a une responsabilité particulière envers le public romand et la diversité de la presse», relèvent encore Impressum et Syndicom. Selon certaines sources bien informées, de nouveaux plans de restructuration pourraient toucher les titres – aussi bien en Suisse romande qu’en Suisse alémanique – de Tamedia d’ici la fin de l’année.

Comme à chaque fois, les politiques se sont rués sur la scène médiatique pour défendre la presse. Se déclarant «inquiet d’un nouvel appauvrissement de la diversité des médias», le gouvernement vaudois a sollicité une rencontre de travail avec la direction de Tamedia. Il a aussi annoncé qu’il étudiait les possibilités de soutien public à la diversité médiatique et prévoit de présenter un rapport dans la deuxième moitié de l’année. Pour sa part, le Parti socialiste suisse (PSS) défend sa mesure visant à créer des possibilités de soutien à la presse écrite dans la nouvelle loi sur les médias électroniques.