Un pesticide de Syngenta sur la sellette

Suisse • L’association Public Eye a révélé dans un rapport publié récemment qu’environ 800 travailleurs agricoles avaient été intoxiqués dans le district du Yavatmal en Inde par un pesticide produit par Syngenta. La multinationale conteste.

Le diafenthiuron, aussi appelé Polo, est l’un des 40 pesticides de Syngenta classés comme «extrêmement dangereux» par le réseau international Pesticide Action Network. En Suisse, il a été retiré du marché en 2009 en raison de ses effets néfastes sur la santé et l’environnement. Dans l’Union européenne, il est interdit depuis 2002. Cela n’empêche pas le géant de l’agrochimie d’en fabriquer et d’en exporter vers d’autres pays, notamment l’Inde, où une vague d’intoxication a touché les travailleurs agricoles des champs de coton de juillet à octobre 2017.

Intoxication sur fonds de coton transgénique

L’ONG suisse Public Eye s’est rendue en juillet 2018 dans le district de Yavatmal, en Inde. Les drames de 2017 s’y sont joués dans un contexte d’utilisation généralisée de coton génétiquement modifié, le coton BT. qui était censé résister aux nuisibles. Pourtant, les principaux insectes se sont adaptés, et les paysans ont dû utiliser de plus en plus d’insecticides, dont du Polo, pour protéger leurs récoltes. Dans un reportage très fouillé, Public Eye révèle les conséquences de l’utilisation massive de pesticides en 2017. En tout, 62 personnes sont décédées en l’espace de quelques semaines, après avoir épandu des pesticides dans l’État du Maharashtra, dont une vingtaine dans le seul district du Yavatmal. Dans ce même district, environ 800 agriculteurs et travailleurs agricoles ont dû être hospitalisés après en avoir pulvérisé. Plusieurs centaines d’entre eux ont perdu temporairement la vue. Parmi les produits qu’utilisaient les agriculteurs, le Polo fait partie des principaux produits mis en cause par les autorités de l’État du Maharashtra, qui l’ont interdit durant 60 jours en novembre 2017 et en juin 2018.

Mais seul le gouvernement indien pourrait interdire définitivement l’utilisation de ce produit, ce qu’il s’est pour l’instant toujours refusé à faire. L’influence très forte du lobby des pesticides n’est certainement pas étrangère à ce refus.

Pour une interdiction d’exporter des produits interdits en Suisse

Sans surprise, Syngenta nie toute implication dans les intoxications. Pourtant, une question centrale demeure : pourquoi un produit interdit en Suisse pour sa dangerosité envers l’environnement et les êtres humains peut-il être commercialisé à l’étranger? Selon Public Eye, 75 tonnes de diafenthiurion produit à Monthey ont été exportées vers l’Inde en 2017. L’association demande que les autorités suisses interdisent l’exportation de produits interdits en Suisse. Une motion allant dans ce sens a été déposée par la Conseillère nationale Lisa Mazzone (Les Verts/GE) et devrait être débattue prochainement au Parlement.

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