La Méditerranée est le Goulag de l’Europe

Il faut le dire • N’a-t-on pas suffisamment écrit sur le risque que prennent les migrants en quête d’une terre d’asile et fuyant une vie juste impossible ou sans avenir?

N’a-t-on pas suffisamment écrit sur le risque que prennent les migrants en quête d’une terre d’asile et fuyant une vie juste impossible ou sans avenir? Ils quittent l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, mais aussi l’Afrique de l’Ouest ou l’Erythrée. Après des mois de voyage dans des conditions épouvantables et d’attente en Libye, ils trouvent un jour une place sur un canot.

Quand ils peuvent enfin se lancer vers les portes de l’Europe, dans des embarcations trop petites, trop légères, et parfois même abandonnées sans moteur au milieu de la Méditerranée, soit ils meurent, soit ils sont secourus par un bateau. Une convention de 1974 prévoit en effet qu’un capitaine de navire qui reçoit une information indiquant des personnes en détresse en mer est tenu de se porter «à toute vitesse à leur secours».

Mais ces migrants font peur à toute l’Europe, qui n’arrive pas retrouver les élans de générosité qui avaient prévalu en 56 et 68, pour les opposants des pays de l’Est, ou en 83 pour les Boat people vietnamiens. Pire, les Etats, qui sont incapables de se mettre d’accord pour procurer un accueil aux migrants, tentent par tous les moyens de repousser le «problème». Ils laissent les pays limitrophes se «débrouiller». Ils créent des centres de rétention en «amont», par exemple en Libye. Devant ces attitudes cyniques et déshumanisées, des ONG, portées par une partie de la société civile, ont décidé d’affréter des navires pour leur venir en aide dans les zones de mer internationales de la Méditerranée, dès 2015.

Ces bateaux humanitaires étaient encore une dizaine il y a un peu plus d’un an au large de la Libye, mais ils ont été criminalisés et immobilisés dans des ports italiens. Le dernier à naviguer, l’Aquarius de SOS Méditerranée et MSF, s’est vu retirer son pavillon de Gibraltar cet été, puis celui du Panama, sur pression de l’Italie. Il risque de devoir arrêter ses opérations. «Les gens continuent à mourir en mer, il n’est pas vrai qu’il n’y a plus de morts. Simplement, nous les voyons moins parce qu’il n’y a plus de témoins. Nous sommes le dernier bateau», rappelle la présidente de MSF en Italie. L’Aquarius opère en Méditerranée centrale depuis 31 mois, et a secouru, à lui seul, 29’523 personnes lors de 230 opérations de sauvetage. Immobiliser ce navire condamnerait des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants en fuite à rejoindre le cimetière marin qu’est devenue la Méditerranée.

Cela fait froid dans le dos. On ne pourra pas dire que l’on ne savait pas!