Pour une école démocratique qui aide à penser

UE • Réuni à Rome, le Parti de la Gauche européenne (PGE) a planché sur d’autres formes d’évaluation scolaire. (Par Sonja Crivelli, de retour de Rome)

Organisé à Rome le 20 octobre par le PGE, en collaboration avec le parti italien de Rifondazione Comunista, le symposium faisait suite à l’approbation d’une motion sur le thème lors du Congrès de Berlin de 2016 de la coalition européenne des partis de la gauche radicale. Si le sujet de l’évaluation des élèves peut paraître secondaire quand on parle d’éducation, il est pourtant important, car il est lié à la pratique pédagogique, à la didactique, à l’approche de l’apprentissage et détermine la politique scolaire de chaque Etat.

Durant leurs interventions, les oratrices et les orateurs comme la Suissesse Sonja Crivelli, responsable du Groupe éducation au sein du PGE, ont souligné, selon des approches différentes, la forte pression du néo-libéralisme et du patronat sur les systèmes scolaires. Cette pression se fait en particulier par la dérégulation, la compétition, le renforcement des inégalités, la privatisation et l’évaluation.

La dérégulation des systèmes éducatifs est conduite sous le pilotage omniprésent des épreuves standardisées tant au niveau international (PISA) que national.

Celles-ci demandent une réponse immédiate et rapide. Derrière cette démarche, il y a les exigences des marchés et, en particulier, celles dictées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à partir des années 90. Cette manière d’évaluer appauvrit la réflexion et la pensée, réduit le savoir à une simple information et à l’adaptation. L’évaluation standardisée efface la capacité d’apprendre par la curiosité d’aller chercher de nouvelles connaissances, le plaisir de s’approcher du savoir.

Des écoliers sans esprit critique

L’école forme ainsi les jeunes à devenir des travailleurs et des travailleuses flexibles et adaptables, qui n’ont aucune nécessité de formation spécifique ou spécialisée, une formation de bas niveau, mais multiforme. Elle prépare surtout des femmes et des hommes incapables de critique.

L’école devient «contrôle des cerveaux» et l’éducation «une nouvelle forme d’esclavage».Ce qui apparaît aussi très inquiétant, c’est l’aplanissement de la culture et des savoirs régionaux et locaux, car des épreuves égales du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest effacent toute identité locale et régionale.

L’influence des épreuves standardisées se rencontre aussi dans la relation entre élèves et enseignantes et enseignants. Du fait que l’évaluation doit se faire sous le signe de l’observation de la rapidité des réponses, la relation s’aplatit. La séparation entre celui qui évalue et celui qui apprend empêche de saisir les démarches du processus d’apprentissage. Il n’y a plus de temps pour une analyse ni pour une autoanalyse: tout devient mécanique.

La comparaison des résultats met en compétition les enseignantes et enseignants ainsi que les écoles. Le capitalisme entre dans les systèmes scolaires, avec la publicité pour leurrer les parents et valoriser les écoles privées: les enseignantes et enseignants entrent dans le «marché publicitaire».L’évaluation standardisée influence aussi la recherche universitaire et transforme tout en objet.

Débat public européen sur l’école

L’Europe a besoin avec urgence d’un débat public avec les enseignantes et enseignants, les parents et les jeunes, pour réfléchir ensemble et se battre pour un changement radical dans la politique éducative, dès la petite enfance et jusqu’à la fin de la formation professionnelle et universitaire. Il s’agit de se réapproprier le droit à la parole, de ne plus subir et d’exercer la démocratie. Les enseignantes et enseignants, considérés aujourd’hui comme des exécutants au service du capitalisme du 21ème siècle, doivent être soutenus dans leur lutte pour une autre école. Ensemble, ils représentent la force pour le changement.

Ils doivent pouvoir travailler en équipe pour créer un processus de changement, également dans le domaine de l’évaluation. Il faut une formation qui les accompagne dans la reprise de leur rôle actif de proposition.

Le PGE s’est dit convaincu que l’on peut regrouper toutes les personnes impliquées dans ce secteur. Les partis de gauche, les syndicats, les mouvements progressistes ont l’importante et indispensable tâche d’être à leur côté, de faire de la résistance.

La coalition européenne est convaincue qu’il faut agir et a décidé de faire du sujet de l’éducation et des épreuves standardisées un des piliers de la campagne électorale lors des élections européennes de 2019.

Il a donc invité tous les partis nationaux comme le Parti suisse du Travail (PST-POP) à introduire le sujet de l’évaluation dans leur programme et demandé aussi à tous ceux qui sont présents dans les gouvernements d’introduire les modifications dans le système scolaire.

Il faut agir là où l’on en a la possibilité, de manière à faire démarrer le changement. Il s’agit du futur de la société, afin de permettre aux femmes et hommes de demain de devenir des citoyens et citoyennes actifs, capables de penser, conscients de leur place dans leur monde, ici et ailleurs