Etablissements Moins Staffés

La chronique Renart • Peut-être que vous ne le saviez pas, mais les EMS romands ont une calculette à soins. (Par Yves Mugny)

Peut-être que vous ne le saviez pas, mais les EMS romands ont une calculette à soins. Du moins pour Neuchâtel, Jura, Genève et Vaud. Même que ça vient du Canada et que s’appelle l’outil «PLAISIR», c’est-à-dire « PLAnification Informatisée des Soins Infirmiers Requis» (ah ces Canadiens…). Bref. Cette calculette calcule donc les soins requis par nos patriarches (en fait surtout des matriarches), à savoir les aïeux d’ici qui finissent dans des homes, sweets ou non. Ensuite? Eh bien ensuite le politique décide, parmi ces soins requis, lesquels seront vraiment donnés. Parce que, selon ce politique, la calculette en question exagère un tantinet.

Pensez: d’abord c’est des soignants qui l’ont conçue (oh les vilains !). Et puis surtout, les résultats de l’outil ne manquent pas de pousser mémé dans les ortolans. Des exemples? Selon PLAISIR, 100% des soins nécessiteraient tout de même une douche par semaine, et pas moins de trois mobilisations par jour… Comprenez que l’Etat doive y regarder à deux fois.

Pourtant, à Genève, la faune électorale avait tranché la chose. C’était en 2007. Par votation, les animaux souverains d’alors décidaient de donner «la totalité des soins requis» aux EMS. 11 ans plus tard, le nouveau magistrat en charge du dossier, Mauro Poggirafe, annonce fièrement assurer… 86% des soins. Ça, c’est de la réal-politique. Quand on n’a pas les sous, on n’applique pas les lois. Point barre. Sinon, à quoi ça servirait de faire un budget?

Du coup le personnel vole d’horaires «coupés» (c’est-à-dire vos huit heures, mais avec cinq de pause en plus au beau milieu) en surchauffe quasi constante (levés-repas-toilettes-couchés-et-rebelote-à-l’envers-et-toujours-au-pas-de-charge). Bref: les joies du grand âge ne sont pas joyeuses pour tout le monde. Et bien qu’il soit régulièrement tancé par les syndicats, Monsieur Poggirafe dort à l’aise. Car il en va hélas de nos Conseillers d’Etat comme d’Al Caponey: s’ils finissent par tomber, c’est à cause du fisc ou d’Abou Dabi, jamais pour leurs crimes pourtant notoires et quotidiens.

 

Eliotnessquement vôtre,

Renart

 

Chronique tenue tous les 15 jours par Yves Mugny, auteur de La Faute au loup (éd. Cousu Mouche),
www.yvesmugny.ch
www.facebook.com/Yves.Mugny
Illustration: maou.ch